Il est important de préciser que Michael Mann a commencé à écrire le scénario de Heat, depuis l’époque de The Jericho mile. Puis qu’il n’a cessé d’y retoucher durant les années 80, sans toutefois trouver les fonds pour le mettre en image. Miami Vice (la série) aidant, il a une première opportunité de coucher sur écran cette obsession, le projet de sa vie.
En somme, difficile de ne pas comparer L.A. Takedown à Heat, puisqu’il en est l’esquisse. De fond, de forme, de climat, de sidération, de mélancolie. De tout, puisque chaque scène (ou presque) est un décalque en moins bien, en brouillon. Tout Heat est là, moins l’équilibre et la perfection de Heat. Donc au jeu de la comparaison, L.A. Takedown est grand perdant.
Logique, néanmoins, tant leur conception diffère : L.A. Takedown est d’abord pensé comme pilote d’une série, avant d’être transformé en téléfilm suite à un désaccord avec la chaine. Il est le fruit d’un tournage de dix-neuf jours (cinq fois moins que celui de Heat) et sans faire injure aux tournages courts, ça se voit. Surtout il est clairement cisaillé de part en part, afin de correspondre aux canons télévisuels qui lui impose les quatre-vingt-dix minutes : les scènes ne s’étirent pas suffisamment, quand bien même on en retrouve certaines quasi à l’identique, à l’image du braquage du fourgon, du climax de la grande fusillade ou du fameux face-à-face. Toutes mises en scène avec nettement moins de brio, incarnées avec moins de talent.
Malgré tout, même si on connait Heat par cœur, il y a des surprises. Des coupes et différences notables, notamment la belle fille d’Hanna (Ici il n’y a pas d’enfant) ou sur l’aparté intime du chauffeur remplaçant (qui sera là réduit à un rôle de figuration). Des modifications mineures qui marquent : L’âge des deux protagonistes centraux, puisqu’ils sont beaucoup plus jeunes dans L.A. Takedown, la trentaine, grosso modo ; Et ce n’était pas Neil McCauley, mais Patrick McLaren. Waingro ne disait pas « L’artiste » mais « Champion ». Quant à Xander Berkeley, il fait le lien entre les deux films, puisqu’il incarne l’infâme Waingro quand dans Heat il jouera le rôle plus passif de Ralph, l’amant de la femme d’Hanna. Mais surtout, il y a un final complètement différent, qui à lui seul mérite que le film soit vu, montrant que le récit n’était pas tout à fait pensé, encore, comme la tragédie grecque déployée dans Heat. Indice : Ce n’est pas Hanna qui tue McCauley, enfin McLaren.
Quoiqu’il en soit, c’est un film tout à fait regardable. Et donc un téléfilm tout à fait honorable. Notamment du seul point de vue scénaristique, car bien qu’amputée par rapport à celle magistrale de Heat, l’écriture s’avère riche, efficace, cohérente. Et Mann déploie quelques idées graphiques très fortes, notamment via de singuliers décors, des moments de suspensions ou des courtes focales réjouissantes. Je ne suis pas sûr qu’on voie ça dans d’autres téléfilms de cet acabit, disons.
Certes, L.A. Takedown fait pâle figure après l’immense Manhunter, mais il faut le voir en tant que simple curiosité pour fan de Michael Mann, curieux de voir la maquette d’un chef d’œuvre. En cela, c’est tout à fait passionnant.