J'ai découvert ce film suite à sa diffusion sur Arte début décembre dernier, intrigué comme souvent par les productions allemandes que la chaîne diffuse le vendredi soir en prime-time. Intrigué d'autant plus par la présence de l'actrice Corinna Harfouch au casting que j'avais déjà vu notamment dans "Les truands cuisinent" et "En colère". Dans "L'absent", elle est une mère demandant à un peintre de faire un portrait de Lilli, sa fille vivante et de son fils défunt.
Mais Lilli y va à contrecœur, pourtant sa rencontre avec Max, le peintre va bouleverser sa vie et réciproquement.
"L'absent" est tout à fait le genre de films que j'adore : un drame souvent éprouvant, extrêmement réaliste psychologiquement, voire jusqu'au boutiste dans les émotions et offrant deux beaux personnages d'écorchés vifs, marqués tous deux par le deuil.
Car si Lilli est endeuillée par la perte de son frère, Max se révèle lui aussi endeuillé par la perte de son ancien amant. Entre la jeune femme autodestructrice, enchaînant les cuites et devenant dépendant affectivement d'un artiste qu'elle finit par étouffer et ce peintre gay, réservé, se donnant aux autres : le contact n'est pas tout de suite au diapason mais leur relation - platonique - va apporter autant l'un qu'à l'autre. Leurs scènes sont les plus belles et à la fois les plus simples du film. Me rappelant la relation entre Will et Sean dans "Will Hunting".
"L'absent" traite de la façon dont on gère chacun notre deuil - et étant personnellement confronté à la perte d'un être direct il y a quelques mois, le sujet m'est proche - Lilli, la sœur du défunt qui se détruit, leur mère qui pense peut être qu'un portrait fera revivre son "fils" et leur père, un homme volage très occupé par son métier d'écrivain. Tous deux se refusant à se remettre en question au suicide inexpliqué de leur fils et rejetant leurs "fautes" sur la pauvre Lilli, la jugeant constamment sur ses choix et ne s'inquiétant absolument pas d'elle.
Lilli cherchant des explications et extériorisant ce qu'elle ressent envers son frère, à travers son parcours autodestructeur et ne trouvant finalement la paix avec elle-même que grâce à Max.
Qui derrière son apparence jovial, sa carrure de nounours compréhensif, se cache un être lui aussi marqué par la perte d'un proche, ainsi que par son homosexualité avouée alors pendant en plein mariage. Même si Lilli est clairement mise en avant, Max lui aussi fera un parcours intérieur - on note ce moment très fort où Lilli et Max se rendent dans deux clubs différents et tentent en quelque sorte de retrouver une sensation perdue.
Le film est ponctué de séquences marquantes comme celles-ci et une autre, d'automutilation, mais la cinéaste qui filme souvent en caméra portée ne porte aucun jugement sur ses deux personnages principaux. Et rend leur rapport au deuil, universel.
L'interprétation doit beaucoup à l'intensité presque fiévreuse de l'œuvre : Karoline Herfurth, petite rousse au visage innocent au corps presque constamment en mouvement - dans les scènes de danse (qui ne sont pas sans rappeler celles de "Fame") ou dans les scènes plus intimes et Josef Bierbichler, massif, protecteur tout en retenu sont d'une justesse parfaite.