Tout le monde a besoin d'un accordeur

Cela faisait longtemps que je n’avais autant ri devant un film. Avec "L’accordeur", Kira Mouratova allie le comique du verbe et de situation, sur un mode résolument outrancier, sans pour autant négliger la qualité de ses images, des cadrages impeccables et toujours insolites, surprenants, un superbe noir et blanc, qui joue avec l’ombre et la lumière, et distille ses détails incongrus. Une musique entre classique et contemporain rythme le film dans les moments sans dialogues. Des récits improbables sont narrés par des personnages extrêmement bavards et parmi eux certaines femmes, beautés fatales, dont elles jouent à merveille. Le film est une succession de scènes burlesques, les dialogues sont très drôles, absurdes, jubilatoires, servis par des acteurs incroyables totalement investis dans ce nonsense permanent. La réalisatrice n’hésite pas à utiliser parfois les gags du cinéma muet. Les réactions des personnages sont toujours inattendues. L’accordeur est un véritable phénomène, séducteur et beau parleur qui embobine facilement ses proies avec un débit particulièrement rapide accompagné de mimiques irrésistibles. Il y a parfois des effets de théâtralisation de certaines scènes, qui peuvent aller jusqu’à l’outrance, l’hystérie. Beaucoup de chants sont en direct (malheureusement, les paroles ne sont pas traduites). Cet ensemble de situations menées tambour battant pendant deux heures trente est totalement jouissif.