Il est toujours délicat de parler de la maladie, de la mort ou du deuil et de pouvoir en proposer une version originale. Naomi Kawase, avec les délices de Tokyo avait réussi à nous plonger dans la culture et l'histoire de son pays, et à retranscrire tout le drame de la perte à venir. Beaux souvenirs où tout l'art de la narration procure les grandes envolées émotionnelles que je m'attend toujours à ressentir dans ce rapport à tout ce qui est déjà perdu. Je me souviens notamment du monologue poignant de Kirin Kiki face à Masatoshi Nagase...Pour son film Voyage à Tokyo, Y.Ozu amène le changement à venir et un beau portrait de famille, par la visite des parents à leurs enfants, tout en décrivant avec délicatesse le choc des générations.
Ici c'est plutôt le rapport à l'enfance et à nos souvenirs heureux, qui rappellent à la nostalgie et Lulu Wang, tente par le personnage de Billi de poser son traumatisme d'avoir quitter la Chine, enfant, et de marquer en même temps, le fossé entre les traditions chinoises et américaines par son retour aux sources et sa quête d'émancipation. Sa grand mère atteinte d'un cancer donnera lieu à un voyage en Chine, et sera l'occasion à une famille éclatée et nombreuse de se retrouver tous unis par le même mensonge.
La réalisatrice nous pose alors et tout le long du film, la question : faut-il mentir pour préserver une personne en fin de vie ? Mensonge ou vérité et sur quels critères le décide-t-on ?
D'une introduction où la famille immigrée aux US vaque à son quotidien, en axant particulièrement sur les tracas de Billi (attente d'une bourse, problème d'argent, etc), on se retrouve en Chine plus ou moins dans le même contexte, sans que le choc des cultures ne soit bien marqué (l'absence de VOST doit certainement y contribuer). Les liens ne semblent pas distendus malgré la longue absence de visites, et on ne ressentira pas non plus, l'empathie qu'ils auront les uns envers les autres.
La cinéaste survole les divers thèmes ancrés dans l'histoire de la Chine et dans son propos. Que ce soit les conflits de génération, la fracture entre les us et coutumes, la mutation de la Chine, (que l'on préférera nettement chez jia zhangke) et bien sûr le deuil, l'ensemble est un hymne familial sans sursaut, agrémenté de quelques ralentis, de quelques arrêts sur image pour le quart d'heure esthétique et d'une musique parfois pesante.
Lulu Wang peine à faire de la matriarche le symbole de ce qui va se perdre définitivement et de la nécessaire transmission, d'exacerber ces liens qui servent à unir le passé et le futur, par une caractérisation bien trop fade et en même temps excessive. zhao shuzhen, qui saura impulser un peu de vie par rapport à tous les autres personnages clichés, décide de tout pour tous, et mène son petit monde à la baguette et le sourire aux lèvres. On la suppose de jouer le jeu, pour profiter de tous ses invités surprise, sans que cela offre quiproquos ou situation cocasse, pour appuyer le décalage.
Ce sera le problème récurrent de tout le métrage par un parti pris linéaire en oubliant toute l'émotion nécessaire pour ce sujet, entre drame et comédie sans jamais bien arriver ni à l'un ni à l'autre.
Que ce film soit autobiographique et le mensonge véritable ne changera pas le sentiment d'être passé à côté de tout ce qu'il pouvait offrir, tant le manque d'enjeu des situations et des dialogues ne se résument qu'à une répétition de ce questionnement et aux situations pratiquement identiques. Ce ne sera pas quelques plans sur la ville, ou une tentative poétique lors de la scène du cimetière où la famille vient parler au défunt grand-père, qui viendra procurer le souffle nécessaire à cet étalage bien trop sage. Et c'est bien le personnage principal d'Awkwafina qui fait le plus défaut, restant constamment sur une mine renfrognée. Entre la souffrance vécue de la perte à venir, sensée se révéler par ses expressions et son jeu redondant, on reste perplexe sur ses sentiments vis-à-vis de sa grand-mère, mais surtout de son propre ancrage au monde.
Reste une sorte de conflit ouvert entre Billi et sa famille quant à cette fameuse question du choix de vérité ou de mensonge.
Alors le final de L'Adieu nous fera peut-être mieux comprendre pourquoi la cinéaste rate le coche dans tout ce qui a précédé, et notamment sur le rapport au deuil. Je suis au moins ravie que la rencontre familiale explosive du genre français, ait été évitée.