Peu friand de faits divers, j'ai néanmoins été intrigué par le casting de marque de L'Adversaire, ainsi que par sa réalisatrice Nicole Garcia.
L'Adversaire se base sur un fait divers aussi tragique qu'improbable: le quintuple-homicide commis par le faux médecin à l'OMS Jean-Claude Romand (Jean-Marc Faure dans le film) sur sa famille, alors que celle-ci était sur le point de découvrir son imposture.
Sous ses allures de thriller haletant inspiré de faits réels, à la Zodiac, L'Adversaire dissimule un film puissant, terrifiant et implacable. La réalisatrice parvient à instaurer un climat de lourdeur constante, qui rend son visionnage éprouvant et nous font ressentir le poids sur les épaules du personnage principal, qui ment à tous ses proches, et mène donc une vie enfermée dans le mensonge, duquel il lui est impossible de s'extraire.
L'ambiance oppressive est tout d'abord rendue grâce au jeu magistral de Daniel Auteuil, qui retranscrit avec une grande justesse le déchirement intérieur de son personnage, son incapacité à vivre de manière assumée et directe. Ce tempérament est rendu par les sourires crispés du personnage, ses réponses laconiques et forcées. Mais cette oppression passe également par le rythme du film, plutôt lent, et la quasi-absence de musique (la seule musique étant une succession de notes posées sans aucune mélodie).
La première conséquence d'une vie de dissimulation est évidemment la solitude du menteur, qui ne partage son mensonge qu'avec sa conscience. Encore une fois, Daniel Auteuil nous fait ressentir cette solitude par son jeu comme je l'ai écrit précédemment. Lors de deux scènes, Jean-Marc répond à son interlocuteur alors que celui-ci ne l'écoute plus, tout en étant parfaitement conscient.
(Il s'entretient avec une connaissance derrière sa porte d'entrée, l'amie part s'occuper d'un enfant dans une autre pièce, Jean-Marc la salue alors qu'elle n'est clairement plus en mesure de l'entendre, puis s'en va)
La mise en scène sert aussi ce sentiment de solitude, enchainant les plans où le personnage principal se trouve seul au milieu d'un grand espace (dans le hall de l'OMS, dans l'aéroport ou sur les aires d'autoroute où il s'arrête durant ses trajets -ou errances- en voiture, qui l'occupent le plus clair de son temps), certains n'étant pas sans rappeler les toiles du peintre Edward Hopper.
La mise en scène est suffisamment habile pour nous faire percevoir l'environnement du film tel que le personnage le perçoit, notamment les personnages secondaires, dont certains auraient pu paraitre attachants ou tout du moins sympathiques (les personnages interprétés par François Berléand ou Emmanuelle Devos par exemple), ils sont rendus ternes à nos yeux, comme si nous percevions la solitude du personnage de Jean-Marc Faure face à ses proches.
Le film est une réussite, il parvient à traiter d'un sujet sensible (l'assassinat d'une famille) de façon pertinente, sans tomber dans la facilité du thriller policier standard. On peut cependant regretter que l'aspect temporel ait été quelque peu négligé, l'affaire se déroulant sur une période de 18 ans, on aurait pu attendre du film qu'il s'intéresse à l'impact du temps, le passage des années sur le personnage. Mais cela n'enlève rien à l'efficacité du film à retranscrire une atmosphère cruellement pesante.