Grâce à un montage nerveux et tendu, au rythme effréné, qui ne laisse guère respirer le spectateur, F. Rosi retransmet formellement l’énergie débordante de Mattei, l’inlassable, l’inusable, l’inébranlable patron de ENI, mort dans un accident d’avion plus que suspect.
Toutefois, si ce montage, élément formel le plus remarquable du film, parvient à recréer la fougue démesurée et l’élan vital d’un homme politique et patron d’entreprise à la fois déterminé, veillant au développement de sa patrie et de ses citoyens (la création de postes d’emploi, le retour des immigrés, l’indépendance énergétique de l’Italie) et imbu de son pouvoir, il mélange arbitrairement, et sans toujours respecter de cohérence narrative ni de chronologie, documents d’archives, reportages d’actualités, méta-cinéma au film lui-même, brouillant parfois la clairvoyance du spectateur qui se trouve lui aussi perdu dans la nasse d’informations d’où il est difficile d’extraire la vérité des faits.
En effet, comment savoir ce qui s’est vraiment passé après le visionnage du film ? La mort suspecte de Mattei, celle du collaborateur de Rosi qui enquête pour le tournage sur les derniers jours de Mattei ont-elles été accidentelles ? Ou bien, qui les a-t-elles commanditées ? Pour ce « film dossier », à l’enquête fouillée et documentée, Rosi se veut neutre, même si les coupables apparaissent évidents, si bien que la charge politique perd un peu de son intensité. Cela ne lui a pour autant pas évité de subir de menaces en raison de cette « pomme brûlante » (c.à.d. patate chaude), comme il le dit lui-même, sujet tabou en Italie, non diffusé aux États-Unis, mais palme d’or (ex-aequo) à Cannes, et ce malgré l’opinion du délégué général du Festival de Cannes, Maurice Bessy, pour qui « c’est aussi inintéressant qu’un film sur Citroën ! ».
6,5/10