La traque qui hante le spectateur.
Il est difficile de parler d'un film comme celui-là après l'avoir vu.
Revenons quelques semaines en arrière.
Je n'étais pas du tout préparée à ce film, le choississant un peu par dépit, par légéreté, par envie de voir du cinéma français et voir si celui-ci était capable de m'offrir l'évasion tant recherchée.
Que ne fut pas mon désarroi dès les premières minutes.
Le film de Tellier veut toucher la perfection du scalpel, celui d'un documentaire, qui vous glace le sang.
C'est vrai que pour un film français, on a rarement vu des corps assassinés de manière aussi frontale... Mais, si le film nous meurtri autant, ce n'est pas forcément seulement pour les raisons qu'on croit, et c'est la, que le film se révèle être une réussite. Certains ont reproché ce manque de parti pris, ce regard posé avec beaucoup d'attention qui ne semble pas vouloir "se mouiller". Traiter d'une telle affaire fut un défi incroyable pour le réalisateur, un défi voulant s'iscer à la taille des enquêteurs s'étant épouvantés huit années durant pour attraper "le tueur de l'est parisien". Cette traque laisse un goût amer. Il y a une victoire, certes, mais les enquêteurs y ont laissé un bout de leur âme, comme c'est le cas de Franck, surnomé Charlie et interprété très sobrement par Raphaël Personnaz.. Le film permet de mettre en lumière un travail acharné qui, brisant probablement un policier plus que d'autres. Le vrai "Charlie" abandonna son métier plusieurs années plus tard. Mais Pascale vit toujours avec lui, en photo dans son porte-feuille. Le mot de la fin, lui appartient : " Avec ce film, on a enfin bouclé cette affaire."
Oui, car, avant la victoire, le film retrace la traque. On cherche, on cherche, on cherche, on se trompe, et puis on recommence. N'oublions pourtant pas que cette traque a permis à la police française de pouvoir comparer (enfin) ses fichiers adn à l'échelle nationale. SK1 : Serial Killer numéro 1 français confondu grâce à son ADN.
Une traque sans fin, qui laisse la place aux assises, aux victimes, aux avocats, au public. Tout le monde est réunit, tout le monde attend de voir le monstre, de le voir avouer. Mais il ne le fait pas, et ce, preuves à l'appui des erreurs dans le dossier... Un pied égyptien, une faute de frappe dans un rapport, des suspects de tous les côtés, conflits d'égo au 36 quai des Orfèvres...
Voilà une affaire qui fit couler beaucoup d'encre et beaucoup de paranoïa palpable sur les toits de la Bastille.
Qui est Guy Georges ? Le film s'intéresse au monstre, aux crimes d'une violence sans nom, mais aussi à l'humain. "D'où vient le mal ?" C'est une des questions qui ouvre le film et qui trouve sa réponse en chacun d'entre nous. "Vous savez... J'ai eu une sorte de pulsion... Si ça n'avait pas été elle, ça aurait été une autre." Ce film est glacial et laisse le spectateur sur son fauteuil de cinema, un mauvais goût de popcorn dans la bouche. Adama Niane y est pour beaucoup. L'acteur possède une aura étrange, un regard qui peut se faire glaçant, et un côté mielleux à souhait pour servir son personnage. Voilà le monstre, un être humain !
Les scènes de procès ne visent ici pas à dédouaner car le regard posé sur les familles de victimes est emprunt d'une grande délicatesse. Au contraire, le film est là pour servir un propos touchant, curieux, parfois brouillon et qui n'a pas de réponse exacte. D'où vient le mal ? La justice est-elle vraiment en mesure de répondre face à l'ignominie, la barbarie ? En a t-elle les moyens, même lorsqu'un prévenu (ce fut le cas de Guy Georges) demande de l'aide psychiatrique, alors en prison pour viol, et qu'on la lui refuse ?
Sortir de là, c'est se poser beaucoup de questions sur les méandres de l'être humain, sur la violence, sur la prison, sur notre système judiciaire. (N'oublions pas que Guy Georges est potentiellement libérable en 2020 et qu'il a affirmé qu'il recommencerait s'il venait à sortir.)
Se poser des questions encore longtemps après et être "hanté" par l'oeuvre visionnée.
Moi, c'est que j'attends du cinéma.
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