Le chat et la souris

Impression mitigée face à ce classique du cinéma américain, porté par un duo mythique composé des blonds et sexy Steve McQueen et Faye Dunaway : c'est une légère déception qui prime au final, malgré des qualités indéniables.

Si l'emballage apparaît particulièrement soigné, avec une réalisation chic et colorée, qui incarne à merveille les années 60 et souligne toute l'élégance du tandem de stars hyper glamour, j'ai trouvé l'ensemble très froid, très lent, un peu toc, et je ne suis clairement pas rentré dans cette histoire. D'où la timidité de la note finale.

Ainsi, je n'ai pas été particulièrement sensible à la fameuse tension sexuelle souvent évoquée, représentée notamment par la partie d'échecs sensuelle entre les deux séducteurs. Question de contexte et de sensibilité personnelle sans doute, mais même "le plus long baiser" de l'histoire du cinéma m'aura laissé assez perplexe : à mes yeux, tout évoque un raffinement désuet plutôt qu'un érotisme torride.

Il n'empêche que ce "Thomas Crown" ne manque pas d'atouts, au-delà de la mise en scène classieuse de Norman Jewison, qui multiplie les splits-screens et les effets visuels très sixties.
Il est clair que McQueen et Dunaway sont l'incarnation rêvée de cette époque et de cette Amérique triomphante...

Mais on apprécie justement l'ambigüité des motivations du héros, qu'on associe d'abord au capitalisme-roi et à l'argent comme quête ultime dans l'existence, avant de découvrir ses moteurs intimes plus troubles et son rapport perverti au "système", qui transparaissent notamment dans ces éclats de rire solitaires, aussi tonitruants qu'inquiétants.

En parallèle, on se réjouit du profil d'héroïne choisi par Jewison : une femme indépendante, plus ou moins immorale, autonome financièrement et sexuellement, et qui d'ailleurs n'hésite pas à user de ses charmes (avant de se laisser rattraper par ses émotions et de rentrer un peu dans le rang - l'audace a ses limites...).

Du coup, ce film qu'on a spontanément envie de classer dans la période classique, alors que le Nouvel Hollywood est sur le point de s'imposer ("Bonnie & Clyde" est sorti l'année précédente, "Easy riders" celle d'après), s'inscrit en fait dans une réalité plus subtile, puisque derrière les apparences, on repère des éléments "subversifs" dans le film de Jewison.

Ce qui fait de "Thomas Crown" une œuvre charnière, hélas plus intéressante à analyser qu'à suivre : le thriller proprement dit n'est guère palpitant, et certaines avancées du scenario apparaissent presque absurdes (la manière dont Faye Dunaway comprend que les braqueurs ne se connaissent pas relève de dons divinatoires).
Heureusement, la fin joliment ambigüe laisse le spectateur sur une bonne impression.