Voici un âge d'or engoncé dans sa posture et malheureusement malmené par ses propres intentions. Ce second film de l'espagnol Luis Bunuel porte la marque de la jeunesse, de l'impétuosité et de la raideur de son auteur.
Pétri de son propos, Bunuel fait une oeuvre subversive. Soit, cela est établi. Mais malgré l'usage de l'imagerie et des modalités narratives surréalistes, le résultat manque de souplesse poétique et de spontanéité. Le film (qu'il écrit et qu'il réalise) finit par ressembler à son personnage principal raide comme un piquet, excessif, impérieusement vain et surfe sur la vague du scandale qu'il soulève à dessein.
J'aurais préféré que Bunuel laisse mûrir un peu plus son projet avant de s'y attaquer. Qu'il renonce à la facilité de la provocation frontale (trop construite et trop préméditée pour être digeste) et à l'accumulation de scènes "chocs-bourgeois" (souvent redondantes, parfois même inesthétiques) pour un parti prit plus poétique et plus contrasté.
Cela nous aurait peut-être évité :
- un film qui s'articule artificiellement en 3 volets ( 1 : le vrai/faux docu sur les scorpions, 2 : l'amourette entre Gaston Modot et Lia Lys, 3 : L'orgie du château de Selliny).
- les longueurs du milieu qui affaiblissent un récit déjà bien peu saisissant pour être représentatif du propos soutenu par l'auteur (Le choix d'une amourette entre 2 personnages semi-mondains et de leurs obsessions sexuelles est, à mon sens, l'un des choix les moins efficients, même si à l'époque il était propre à bousculer et à faire braire ceux par qui Bunuel voulait être remarqué !),
- Une direction d'acteur et une atmosphère artistique inégale (Ciel, ce que Gaston Modot m'horripile ici !)
- Cette fin de film expédiée et sa réalisation moins soignée que le restant de l'oeuvre.
Mais malgré ce que mon ressenti ne peut ignorer, la bienveillance que j'accorde à toute oeuvre anti-conformiste, m'oblige à avouer la tendresse que je porte à ce film malgré ce qu'il a (pour moi) de maladroit et de désagréable.
Ce film (devenu référence aujourd'hui) possède donc aussi, en l'état, le charme de ses défauts : la colère, l'énergie, la froideur et l'outrance. Et en replaçant l'oeuvre, au vu de son époque, on peut se contenter de cela à défaut de trouver ici une pleine maturité de ton entre le fond et la forme. Ou pas... ou presque.