L'Âge d'or
7.1
L'Âge d'or

Film de Luis Buñuel (1930)

Antisocial (ou clérical) tu perds ton sang froid

Voici un âge d'or engoncé dans sa posture et malheureusement malmené par ses propres intentions. Ce second film de l'espagnol Luis Bunuel porte la marque de la jeunesse, de l'impétuosité et de la raideur de son auteur.


Pétri de son propos, Bunuel fait une oeuvre subversive. Soit, cela est établi. Mais malgré l'usage de l'imagerie et des modalités narratives surréalistes, le résultat manque de souplesse poétique et de spontanéité. Le film (qu'il écrit et qu'il réalise) finit par ressembler à son personnage principal raide comme un piquet, excessif, impérieusement vain et surfe sur la vague du scandale qu'il soulève à dessein.


J'aurais préféré que Bunuel laisse mûrir un peu plus son projet avant de s'y attaquer. Qu'il renonce à la facilité de la provocation frontale (trop construite et trop préméditée pour être digeste) et à l'accumulation de scènes "chocs-bourgeois" (souvent redondantes, parfois même inesthétiques) pour un parti prit plus poétique et plus contrasté.


Cela nous aurait peut-être évité :
- un film qui s'articule artificiellement en 3 volets ( 1 : le vrai/faux docu sur les scorpions, 2 : l'amourette entre Gaston Modot et Lia Lys, 3 : L'orgie du château de Selliny).
- les longueurs du milieu qui affaiblissent un récit déjà bien peu saisissant pour être représentatif du propos soutenu par l'auteur (Le choix d'une amourette entre 2 personnages semi-mondains et de leurs obsessions sexuelles est, à mon sens, l'un des choix les moins efficients, même si à l'époque il était propre à bousculer et à faire braire ceux par qui Bunuel voulait être remarqué !),
- Une direction d'acteur et une atmosphère artistique inégale (Ciel, ce que Gaston Modot m'horripile ici !)
- Cette fin de film expédiée et sa réalisation moins soignée que le restant de l'oeuvre.


Mais malgré ce que mon ressenti ne peut ignorer, la bienveillance que j'accorde à toute oeuvre anti-conformiste, m'oblige à avouer la tendresse que je porte à ce film malgré ce qu'il a (pour moi) de maladroit et de désagréable.


Ce film (devenu référence aujourd'hui) possède donc aussi, en l'état, le charme de ses défauts : la colère, l'énergie, la froideur et l'outrance. Et en replaçant l'oeuvre, au vu de son époque, on peut se contenter de cela à défaut de trouver ici une pleine maturité de ton entre le fond et la forme. Ou pas... ou presque.

Créée

le 10 mars 2018

Critique lue 614 fois

5 j'aime

Presque

Écrit par

Critique lue 614 fois

5

D'autres avis sur L'Âge d'or

L'Âge d'or
Sergent_Pepper
7

Tableaux d’une expédition

Au vu des ravages générés par Un chien andalou, bombe surréaliste posée sur l’année précédente, on pourrait presque considérer comme lisible ce nouvel opus de Buñuel. Une certaine linéarité permet en...

le 26 janv. 2021

15 j'aime

L'Âge d'or
RoroRoro
7

"Ou bien vous appartenez à l'humanité civilisée, ou bien vous êtes de tout coeur avec Bunuel"

Critique tirée du livre "1001 films à voir avant de mourir". (ATTENTION : SPOIL) En 1928, un film totalement surréaliste tourné en deux semaines , "Un chien andalou", stupéfia l'opinion et ravit...

le 30 sept. 2013

11 j'aime

L'Âge d'or
JimAriz
8

Critique de L'Âge d'or par JimAriz

Un chien andalou a tellement surpris qu'on a laissé Dali et Buñuel réaliser leur long métrage. Malheureusement Dali ne sera finalement pas du projet, ce qui n'empêche pas Buñuel de faire un film...

le 20 janv. 2014

9 j'aime

1

Du même critique

1899
Presque
3

Maniéré, ostentatoire et creux

Maniérisme visuel forcé, ambiance épouvante/horreur artificiellement maintenue par des effets de réalisation inutiles et ostentatoires, effets sonores caricaturaux surjouant l'aspect anxiogène que le...

le 19 nov. 2022

49 j'aime

11

Les Bonnes Conditions
Presque
3

Spoiler : A la fin, tout se termine bien.

Ici les "bonnes conditions" côtoient surtout les bonnes intentions. La mièvrerie coule partout sur la pellicule. Le montage est scolaire et sommaire. Le story-bord est souvent embrouillé sautant d'un...

le 29 juil. 2019

26 j'aime

7