L’AMANT D’UN JOUR (14,6) (Philippe Garrel, FRA, 2017, 76min) :
Délicate chronique sur la fragilité amoureuse. Cette histoire narre un triangle aimant, celui d’une jeune femme venant d’être larguée par son mec et rentre au port familial pour se réfugier chez son père, prof de philosophie, vivant avec une étudiante du même âge que sa fille. Philippe Garrel héritier soixante-huitard de la Nouvelle Vague continue son évolution cinématographique entamée avec La Jalousie (2013), puis L’Ombre des femmes (2015) avec son nouveau projet L’Amant d’un jour. Une fiction resserrée présenté à La Quinzaine des réalisateurs à Cannes où il a obtenu le prix SACD (Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques) ex-aequo avec Un beau soleil intérieur de Claire Denis. Un schéma fictionnel qui permet à Garrel d’ausculter avec sa caméra pointilliste les affres de l’amour et la friabilité du couple. D’entrée la magnifique photographie noir et blanc épouse une cage d’escalier crade, d’un autre temps, et suit les pas impatients d’une jeune femme brûlante de désir en attendant de retrouver son amant pour assouvir son amour dans un rapport sexuel jouissif. Juste après le générique le noir et blanc tente de consoler une jeune femme en pleurs assise sur le trottoir avant de monter avec peine les marches pour retrouver la sérénité du foyer de son père. En deux séquences et deux cris, l’un jouissif et l’autre désespéré, les deux jeunes femmes sont réunies d’entrée, par un cri primaire et par un même lieu (la cage d’escalier) pour trouver le bonheur ou le réconfort. L’intrigue se concentrera un peu plus sur ces deux femmes, il est bien connu que dans un « ménage » à trois, le troisième est toujours un peu mis à l’écart, ici cela sera le père. Cet aspect féminin avec l’amitié et une rivalité secrète qui en découlent en contre champ, permet à l’auteur de déployer deux histoires d’amour sous le même toit, convoquant les connotations œdipiennes et les diverses façons de ressentir l’amour. Il nous offre avec sensibilité, une liaison amoureuse qui commence alors qu’une autre vient de se terminer. Comme rarement auparavant le réalisateur enracine ce trio dans une psychologie ou le conscient et l’inconscient valse à trois temps, où les non-dits, les mots évadés par inadvertance, les actes manqués, les maladresses viennent avec justesse enrichir un récit à la trame simpliste. La mise en scène épurée en cinémascope offre comme un pointilliste de somptueuses esquisses entre chaque panneau noir qui entrecoupe les scènes. Une succession de moments précis, pour décliner judicieusement à l’aide d’une voix off impersonnelle parfois même un peu encombrante, toutes les nuances de gris que composent les tourments amoureux intemporels entre le jour et la nuit. Des chaos du cœur qui ne manque pas de battements, où la caméra caresse les visages, perce les regards, s’attarde pudiquement sur les corps, enregistre avec précautions les souffles au cœur, et les moindres frémissements de l’âme, par le biais d’une narration limpide sans aucun jugement sur ses protagonistes. Par le prisme de cette nouvelle trinité dont le réalisateur est friand depuis 1970 et son étonnant Le lit de la vierge, le cinéaste aborde à nouveau les thèmes de la jalousie, de la fidélité physique et psychologique à l’autre, les interrogations sur le désir, la joie et le mal d’aimer de façon judicieuse grâce à un scénario d’une justesse où le théâtre de l’intime trouve une mise en image poétique même dans les moments les plus cruels. L’auteur s’appuie sur un trio d’acteurs talentueux et précis : Eric Caravaca impose son jeu avec modestie et s’avère particulièrement touchant face aux deux révélations de ce film, l’affective Esther Garrel et la charnelle Louise Chevillotte. Une partition agrémentée de quelques sourires bienvenus pour atténuer les maux. Venez-vous retrouver intimement en dégustant cette bienveillante déclinaison des atermoiements amoureux au sein de L’Amant d’un jour. Tendre. Intime. Élégant. Profond.