Le titre du film pourrait faire penser à celui d'une chanson réaliste des années 30/40 où se résument en quelques mots simples et notes répétitives un amour vécu ou déchu, et que chacun s'approprie en reprenant le refrain tant il est universel. En 2015, Philippe Garrel, cinéaste très prolixe ("Les amants réguliers", "Le vent de la nuit") me transportait à nouveau avec "L'Ombre des femmes" qui, s'il conservait la même raideur ou distance que ses oeuvres précédentes, innovait en apportant une fin optimiste peu coutumière chez l'auteur. Il nous revient donc avec "L'amant d'un jour", lui et son équipe (Bertat à la photo, Aubert à la musique, Jean-Claude Carrière, Caroline Deruas-Garrel et Alette Langman au scénario...)
Dans l'exercice sans arrêt renouvelé, sans être pourtant répétitif, des variations entre amour et individualité, trahison et pardon, souffrance ou renoncement, cet opus 2017 nous apporte une perspective un peu différente, celle d'un homme qui voit sa fille revenir vivre à la maison après une douloureuse rupture, fille qui a le même âge que sa compagne. Alors que d'habitude chez Garrel les hommes sont un peu fats et couards, lui se placera comme l'élément incontournable du foyer recomposé, une espèce de socle sur lequel il fait bon se reposer et dont l'arbitrage semble indispensable. Il est à la croisée de deux crises amoureuses antinomiques au sein et fera tout pour que les esprits restent le plus ouverts possible et gèrent au mieux les déchirements, faisant sienne la citation de Fénelon "La véritable simplicité est le renoncement sincère et l'oubli constant de soi-même."
Et cette simplicité jaillit de partout dans le film, le récit est fluide et juste. L'habillage de lumière magnifique, les quelques petites notes d'Aubert savoureuses. C'est une partition hors classe sur laquelle s'appuie le trio magique du film Eric Caravaca poignant et si crédible, Esther Garrel épanouit et forte et Louise Chevillotte présomptueuse et libre.
En voyant quelques unes des plus belles scènes de vie, ou en écoutant s'écouler certains dialogues, l'esprit s'évade. Il semble que Garrel se projette, nous projette vers un autre anthropologue cinématographique, Eric Rohmer ! Qui manque tant au cinéma français d'aujourd'hui, et dont l'ombre plane sur ce oeuvre !