Faux semblants
Chloé est gardienne de musée. Elle observe les visiteurs qui observent avec curiosité les lieux, et contemplent les œuvres d’art. Elle fait même plus que cela, elle se mélange à tout cet...
Par
le 9 juin 2017
32 j'aime
3
Ozon plonge. Ouvre audacieusement son film sur un plongeon dans le fond d'un vagin. Plonge, en raccord, dans la pupille d'un regard. Plonge dans le labyrinthe d'une psyché malade. Plonge, comme la reine de Blanche-Neige, dans les reflets des miroirs, pour y quêter une vérité démultipliée. Plonge dans l'espace du phantasme, où rêve et réalité se confondent.
"Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue
Se serait, avec vous, retrouvée ou perdue"...
Épousant d'emblée si intimement l'intériorité de Chloé, à laquelle Ozon prête les traits fragiles et énigmatiques de Marine Vacth, le réalisateur s'aventure dans le labyrinthe de l'inconscient féminin, accompagnant ce personnage endolori dans sa rencontre avec son psychanalyste (Jérémie Renier, l'œil plissé, le regard attentif), puis, le lien ayant évolué, dans son emménagement avec celui-ci. Bien vite, on assiste à la naissance des soupçons : l'homme aimé aurait un jumeau, caché, sorte de double érotisé et maléfique, exerçant le même métier que lui, mais d'une tout autre manière.
Couple gémellaire qui fait pendant aux doubles plus ou moins féminins dont l'héroïne est entourée : la sœur qu'elle aurait toujours souhaité avoir, l'ex détruite l'ayant précédée dans les bras des jumeaux, les chats, dans le ronronnement desquels elle puise l'accès à une sensualité...
Dans un premier temps, le film procède à la façon d'un thriller, l'héroïne tentant de démêler l'écheveau de la nasse gémellaire dans laquelle elle semble prise. Mais l'enquête menée dans le monde extérieur finit par basculer vers le monde intérieur, ouvrant sur une exploration médico-psychique qui n'est pas sans rappeler l'univers d'un Cronenberg, notamment dans son fascinant "Faux-semblants" (1988).
En effet, si "je" est un autre, il devient moins surprenant qu'un autre puisse se cacher dans l'autre également... Un autre qui devient double, logiquement... Quel était alors le statut des scènes que l'on a prises pour réelles ?...
Ozon, de plus en plus, devient le cinéaste des marges, explore le deuil impossible, le mensonge, le phantasme, le réel incertain, la folie, l'érotiquement incorrect... Mais l'incorrect ne fait-il pas partie de la définition même de l'érotisme ?...
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 1 juin 2017
Critique lue 2.9K fois
16 j'aime
11 commentaires
D'autres avis sur L'Amant double
Chloé est gardienne de musée. Elle observe les visiteurs qui observent avec curiosité les lieux, et contemplent les œuvres d’art. Elle fait même plus que cela, elle se mélange à tout cet...
Par
le 9 juin 2017
32 j'aime
3
Un plan saisissant, très cru, au début de L’amant double, rejoue L’origine du monde en mode chirurgical, suivi d’un œil venant s’y superposer tels un collage surréaliste à la Buñuel (Un chien...
Par
le 5 juin 2017
29 j'aime
1
Présenté en compétition au 70ème Festival de Cannes, L’Amant double était attendu comme un thriller érotique osé. Retour sur le dernier film de François Ozon qui se montre des plus inégaux et...
Par
le 28 mai 2017
25 j'aime
2
Du même critique
Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...
le 17 août 2017
80 j'aime
33
Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...
le 14 nov. 2019
74 j'aime
21
Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...
le 26 août 2019
71 j'aime
3