L'Amour braque par Urkyjo
Des travellings omniprésents, une caméra à l'épaule constamment en mouvance (Zulawski incarnant en retard la Nouvelle Vague polonaise...), un jeu d'acteur axé sur l'outrance, des dialogues inaudibles, car gueulés à tout va par des personnages givrés, un pastiche caricatural du film d'auteur, des incompréhensions scénaristiques durant l'entièreté du long-métrage (un triangle amoureux entre une pute, un gangster fraîchement sorti d'un braquage réussi, et une sorte de - achtung, ceci est une supposition - prince hongrois nouvellement débarqué d'un asile psychiatrique, rencontré dans le train pendant une hétéroclite et innocente cavale)... un titre choisi par un foetus, "L'amour braque", car le film parle d'amour et de braquage...
Ce film d'Andrzej Zulawski semble particulièrement décousu, difficile à suivre pour un spectateur n'ayant pas envie de se prendre la tête face à tant de grotesque et d'exagération. Sophie Marceau, qui incarne une succulente aguicheuse dans une toilette de prostituée de bal polonaise, s'affranchit, cinq ans après la consécration de "La Boum", de son éternel rôle de Vic Beretton. Elle est malheureusement desservie par une direction d'acteur protubérante. Et c'est le cas pour les deux autres membres du trio amoureux, Tchéky Karyo et Francis Huster. Un grain de folie dommageable pour ce qui aurait pu être un bon film d'auteur ; quelques rares éléments intrascènes se révèlent intéressants, accompagnés d'un léger leitmotiv musical, rappelant ainsi au spectateur les moments du long-métrage où une éphémère qualité est au rendez-vous :
"-Jai mal. Je saigne.
- Non, tu jouis. C'est moi qui saigne."
"- C'est pas ma faute.
- C'est la mienne.
- Idiot."
Cinq répliques pour autant de secondes d'intéressantes... en apparence ! Car lorsque l'on se penche un peu plus en détail sur "L'Amour braque", nous découvrons un film excellemment rythmé par une mise en scène maligne, une photographie éprouvée et expressive, un choix de partition simple (et efficace), un univers violent, éhonté, malsain... mais toujours dans cette idée poétique d'un amour sauvage. À voir à deux reprises pour en apprécier toutes les qualités.