L’amour de Jeanne Ney est un film de la période muette de Pabst un peu méconnu ou, en tout cas, beaucoup moins connu que La rue sans joie, Le journal d’une fille perdue et, surtout bien sûr, que Loulou. Il vaut pourtant le détour, si ce n’est le voyage ! Il s’agit d’une adaptation du roman éponyme de l’écrivain russe Ilya Ehrenbourg, communiste notoire, ce qui fait que les révolutionnaires soviétiques, sans pour autant que l’on puisse parler de propagande, sont présentés sous un jour favorable, chose assez rare dans le cinéma grand public des années 20. Ce point fit d’ailleurs scandale à l’époque et la censure intervint. Mais ce qui est surtout frappant c’est l’incroyable inventivité de la mise en scène, la diversité des plans, l’originalité des cadrages, du montage, la mobilité de la caméra. Le plus étonnant étant les séquences tournées à Paris, au milieu de la foule du marché des Halles : on crédite souvent la nouvelle vague de ce genre de procédés mais là, nous sommes en 1927 ! « Par cette rigueur dans l’expression, ce dépouillement des moyens, L’Amour de Jeanne Ney contient peut-être les recherches les plus réussies de Pabst. Les adieux de Jeanne et Andreas en Crimée, les cheveux de Gabrielle inondant le visage de son père assassiné, la scène du compartiment où s’affrontent Zinajeff et Jeanne, confèrent, parmi d’autres, sa force exceptionnelle au propos de Pabst. Symboliquement, le film, qui s’ouvrait sur une orgie, s’achève dans la pureté d’un diamant libérateur. Comme il fallait s’y attendre, la censure exigea des remaniements qui défigurèrent le film. Mais dans sa version originale, il reste l’un des plus importants de toute l’œuvre de Pabst et peut-être celui qui, sans fracas, exprime sa révolution la plus véhémente. » (Yves Audry et Jacques Peta, Anthologie du cinéma n°37, juillet 1968).

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le 2 mai 2020

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