L'Amour ouf
6.7
L'Amour ouf

Film de Gilles Lellouche (2024)

Après le succès critique et commercial de son précédent film Le Grand Bain, Gilles Lellouche se lance dans l’adaptation d’un roman irlandais qui fait chavirer son cœur depuis une quinzaine d'années. Il s’agit de Jackie loves Johnser ok ? de Neville Thompson traduit en français par L’amour ouf. Le roman narre un amour bouleversant entre deux adolescents qui ne sont pas issus du même milieu. Les obligations sociales, la délinquance, la prison, autant d'obstacles qui n'ébrècheront pas leur amour pour autant. Gilles Lellouche emmène équipe et casting cinq étoiles dans le Nord de la France pour lui donner vie.

Qu’est qu’un amour fou ? Gilles Lellouche parvient à le montrer et le raconter dans la première partie du film qui se déroule durant la période iconique des années 80. Le réalisateur se sert de cette décennie fantasmée pour situer la rencontre de ses deux personnages : Clotaire (Malik Frikah) un adolescent voyou issu de la classe ouvrière et Jackie (Mallory Wanecque) une ado chouchoutée par son père veuf. Une histoire d’amour impossible qui se veut être un Roméo et Juliette des temps contemporains. Pour faire rêver le spectateur, le réalisateur multiplie les scènes sur une BO d'époque renversante (The Cure, Billy Idol et Prince notamment). La photographie suit les pas de la musique, et chaque décor est une réussite. Les deux acteurs interprétant nos jeunes héros nous touchent, on aime voir cette romance naître. On prend plaisir à mâcher notre chewing gum saveur pomme d’amour en bord de mer. Mais très vite notre sucrerie perd de son goût.

Après une heure plaisante, le film change de genre et d'époque. On suit le parcours de Clotaire (François Civil) tombé dans le banditisme et délaissant son histoire d’amour. Et c’est ce que fait également le réalisateur. Avec la chute de son héros, Gilles Lellouche ne s'intéresse plus non plus à l’incandescence amoureuse. Où est donc passé notre “amour ouf” ? Clotaire est devenu un cliché du gangster et Jackie (Adèle Exarchopoulos) vit sa nouvelle vie avec un riche patron. Comment leur relation va-t-elle surmonter le couple de Jackie et le désir de vengeance de Clotaire ? Le retour à la réalité nous fait passer des années adolescentes passionnées à une nouvelle ère apathique et débraillé : un chaud/froid que le réalisateur évoque dans divers interviews. Les personnages ne vivront rien ensemble durant la deuxième partie du film. Le réalisateur préfère feindre de développer ses personnages individuellement. Les thématiques de la première partie n’existent plus. Gilles Lellouche se concentre sur son histoire de gangster avec Clotaire tandis que Jackie est tiraillée entre les souvenirs du passé et sa relation avec son cliché de mari. La relation entre Clotaire et Jackie n’évolue plus. On n’arrive plus à s'investir pour nos deux héros. On fait alors face à une conclusion finale grotesque et expédiée : un couple qui n'a surmonté aucune difficulté ensemble. Une chance que la photographie ne baisse pas en qualité contrairement au récit.

Finalement, on regarde une mise en scène débordante d'idées et une photographie qui subliment les décors du Nord et les années 80. Pourtant, Gilles Lellouche n’arrive pas à nous toucher et se désintéresse même de l'histoire d'amour de ses personnages au profit d'une histoire de gangster à laquelle on ne croit pas non plus. On est loin d’un amour ouf comme dans la série irlandaise Normal People. On assiste plutôt à un fourre-tout de références cinématographiques : une expérience émotionnelle en demi-teinte donc avec un Gilles Lellouche ambitieux à la réalisation mais qui ne nous propose qu’un amour bof.


5,5/10

(Film vu en avant-première, à quelques jours de la sortie. Suite aux dires de Gilles Lellouche, le montage peut donc être différent désormais.)






Mr_BlueSky
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le 14 oct. 2024

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