L'Amour ouf
6.7
L'Amour ouf

Film de Gilles Lellouche (2024)

[Petite précision : je n'ai pas lu le roman adapté ; ce qui fait que je ne l'évoquerai pas du tout dans le contenu de ma critique.]


Après Le Grand Bain, Gilles Lellouche confirme, avec L'Amour ouf, qu'il aime réaliser des ratages à gros budget.


Alors, sur la forme, il veut montrer à tout prix qu'il sait être créatif avec l'image, le montage, la caméra, les points de vue subjectifs, les filtres de couleur, le tout en diffusant au petit bonheur la chance sa playlist de morceaux favoris des années 1980-1990 (allez, je vais être honnête en admettant que mettre de l'Alan Parsons Project lors de la séquence des retrouvailles contribue à composer une belle petite fulgurance... mais une belle petite fulgurance noyée dans un océan de médiocrité !). Je ne dénie pas au Monsieur qu'il a toutes les compétences pour faire un honorable réalisateur de clips ou de pubs pour un parfum. Il n'empêche, que les grosses esbroufes visuelles, bien artificielles, qu'il balance constamment, non seulement, ne sont jamais en osmose quelconque avec la scène concernée, mais, en outre, sont plus distractives qu'autre chose.


Alors, il aime aussi s'offrir de grosses têtes d'affiche. Et il confirme, après Le Grand Bain, encore une fois qu'il ne sait pas quoi en foutre. Ce qui est lié à l'écriture désastreuse et, quelquefois, à des choix de casting plus que contestables.

D'abord, Raphaël Quenard et Anthony Bajon doivent être les figurants les mieux payés du cinéma français. Ouais, Lellouche a pris les deux acteurs qui ont été fabuleux dans Chien de la casse, et il en a fait que dalle.

Benoît Poelvoorde est censé incarner un chef d'un redoutable groupe de braqueurs, donc un type qui inspire la crainte et le respect. Or une personne qui se comporte comme un Droopy sous anxiolytique ne m'inspire pas ce genre de sentiments, désolé. Lellouche voulait certainement l'inscrire sur son affiche au lieu de sélectionner un comédien qui, certes, aurait été sûrement moins connu, mais plus approprié.

Alain Chabat a prouvé (notamment chez Dupieux !) qu'il est tout à fait capable d'endosser des rôles plus graves, plus dramatiques que son répertoire comique habituel. Ce qui fait qu'incarner un père affectueux et compréhensif est tout à fait dans ses cordes, mais bon, il aurait fallu peut-être éviter de le faire apparaître quasi uniquement faisant son paternel se voulant sévère avant de toujours donner raison à sa progéniture (ah oui... foutre une perruque ou une teinture d'un brun très foncé ne donne pas une allure plus jeune... au contraire, ça fait vieux qui veut faire plus jeune et qui n'en apparaît que plus vieux... ouais, c'est sur les rides du visage qu'il faut travailler... et à quoi ça sert de lui donner une compagne, le temps d'une scène, si c'est pour l'occulter entièrement par la suite ?).

Karim Leklou se contente d'être un papa prolétaire brutal. Voilà...

Élodie Bouchez (qui réussit l'exploit de ne jamais vieillir... oui, l'intégralité du budget rajeunissement a dû être consacré à la couleur de cheveux de Chabat jeune !) est la maman qui est gentille... et qui est gentille.

Jean-Pascal Zadi est choisi pour faire le bouffon de service... oui, c'est tout... et qu'importe qu'il soit supposé être un gangster, impossible à prendre au sérieux, et que son personnage adolescent, contre toute logique, possède dix mille fois plus de maturité que sa version adulte. Ouais, Lellouche souhaitait Zadi, dans son registre habituel, même si ça ne collait pas du tout au perso de base. Un nom connu en plus sur l'affiche, youpi.

Vincent Lacoste est le seul, parmi les seconds rôles, qui se voit offrir l'esquisse d'un rôle intéressant, à contre-emploi, qu'il est en capacité de jouer, en mari, cadre arrogant, mais furieusement épris de son épouse. Mais, comme les autres acteurs de second rôle, son temps d'écran est trop réduit pour que son interprétation et son personnage puissent être pleinement consistant ainsi que dépeint avec un chouia de subtilité.

Oui, globalement, j'ai eu l'impression d'avoir eu affaire à des personnages ultra-unidimensionnels, ultra-schématiques et c'est tout, et pas à des êtres vraisemblables, avec leur complexité et leurs nuances.


Alors, maintenant, les interprètes de notre couple d'amoureux oufs... je commence par l'âge de l'adolescence. Malik Frikah a un côté "bad boy" naturel, paraissant couler de source. Mallory Wanecque arrive à s'en sortir avec tous les honneurs, malgré le ridicule des dialogues, ensevelis sous le maniérisme. Elle dégage une grâce et une élégance bienvenues, collant bien avec le fait que son personnage soit d'un rang social supérieur à celui de l'objet de sa flamme, créant un contraste nécessaire avec Frikah (je vais évoquer à nouveau ce point un peu plus loin !).


Mais, à cause de l'écriture (les jeunes acteurs font ce qu'ils peuvent... je ne leur reproche rien... au contraire… ils constituent même un des très rares points positifs de cette merde !), il est difficile de croire à la fureur de leur amour, que le temps et l'espace ne peuvent pas briser. On ne voit jamais la moindre scène lors de laquelle on se dit "ah ouais, ils sont vraiment prêts à crever l'un pour l'autre !". Ceci est en partie dû au fait que Lellouche néglige, pendant une grosse partie de la première moitié, la jeune adolescente pour se concentrer exclusivement sur les actes illégaux du jeune adolescent, sur le côté thriller du tout (qu'il ne parvient pas du tout à équilibrer avec le côté romance !). En conséquence, leur histoire ensemble n'a pas le temps d'être construite pour qu'il soit crédible que leur amour persiste au-delà d'une simple petite romance adolescente. Cela aurait été possible si le réalisateur et ses coscénaristes avaient eu l'intelligence, par exemple, de creuser sur comment l'amoureuse réagit par rapport à la vie de gangster de son amoureux. Cela l'excite ? Cela l'inquiète ? Les deux ? Elle préfère qu'il se range ? Elle préfère qu'il continue ses actes illégaux et ses coups de sang parce que cela la fait trop mouiller ? Bref, de voir son regard sur ça. Il y avait quelque chose à faire de sérieux à ce niveau-là. Mais bon, Lellouche a préféré faire son "oh, regardez comme je suis trop digne de Michael Mann (non !) avec mes scènes d'action de ouf !"... ouais, c'est bien sympa de s'autosucer, mais c'est l'amour qui, surtout, doit être ouf... C'est dans le titre...


Quant à François Civil et Adèle Exarchopoulos, dans les rôles principaux à l'âge adulte, déjà bien handicapés par le fait que les personnages qu'ils tentent de jouer ne se retrouvent à nouveau que très tardivement, alors qu'il reste peu de temps avant le générique de fin (pour construire la moindre alchimie, c'est bien mal barré !), ce sont des erreurs de casting. Franchement, les jeunes versions sont bien meilleures. François Civil est aussi convaincant en bad boy qu'un chihuahua le serait en rottweiler. Adèle Exarchopoulos a une attitude trop populo pour que l'on ressente le plus petit écart de classe sociale (il n'y avait pas du tout ce problème avec Mallory Wanecque, je le rappelle... sans parler que les deux interprètes ne se ressemblent pas du tout physiquement !). Circonstance aggravante contribuant à ruiner encore plus son interprétation, son personnage est censé avoir évolué plusieurs années dans une classe sociale encore supérieure à celle de son enfance. Et cela, on ne le perçoit jamais.


Ouais, bref, L'Amour ouf est l'exemple "parfait" de l'œuvre d'un artiste très médiocre se prenant pour un génie. Bon, ben, je crois que j'ai tout dit sur cet étron à 36 millions d'euros.



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le 15 oct. 2024

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Plume231

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