Fourre-tout. Pachydermique. Foutraque. Face aux premières critiques du film, c’est avec une appréhension certaine que je me présentai au Grand Théâtre Lumière pour la projection du nouveau film de Gilles Lellouche, L’Amour Ouf.
L’Amour Ouf, c’est dans son essence un film qui reprend les codes, assez classiques, de la comédie romantique : on y retrouve, sur plusieurs années, l’évolution des rapports entre Jackie ou Jacqueline (Mallory Wanecque et Adèle Exarchopoulos) et Clotaire (Malik Frikah et François Civil).
Des bancs du lycée dans les 80s à leur petite trentaine, L’Amour Ouf traite également le couple autour du deuxième aspect du film, le genre du film de gangster, passant de la romance au thriller à feu et à sang ultra dynamique, survolté, se centrant sur la trajectoire de Clotaire qui, bien loin des bancs de l’école que fréquente Jackie, s’introduit petit a petit dans le monde du crime à travers la bande de La Brosse (Benoît Poelvoorde) jusqu’à un point de non-retour, Clotaire s’enfonçant quand son couple s’élève.
Si l’inspiration venant de West Side Story annoncée par Lellouche a pu faire ricaner, le film possède une identité Pop très affirmée et un recours à des musiques des 80s (The Cure notamment) mais sont toujours mises au service d’une belle réalisation : montage sequences de crimes avec maîtrise des fondus, scènes de combat superbement filmées et haletantes aux déroulés chorégraphiés… Mais comment ne pas, surtout, mettre en avant les très belles scènes de danse ? Vendu comme une comédie musicale c’est par deux très belles scènes que le film enfile ce costume, discrètement puis claironnant, mais avec beaucoup de justesse.
Lellouche possède en effet une certaine habileté à mettre en scène l’émotion : le coup de foudre notamment, mais le film dans sa globalité se penche sur les regards, et ces regards parlent plus que les mots. Un simple échange de regards entre les jeunes Clotaire et Jackie finissent ainsi de convaincre, plus que jamais, du bien fondé de leur histoire. Mais la réalisation est également ambitieuse et fourmille de bonnes idées, dans la gestion des champs-contrechamps par exemple, traités par le biais du panoramique. S’il reste quelques moments de maladresse comme une scène de sexe, les relations (la relation père-fille de Jackie, les relations amoureuses ou amicales…) sont maitrisées et sincères.
Pour ce qui est des points négatifs du film… dans une production au casting qui est pour certains symbolique de l’entre-soi du cinéma français, comme le met en avant la revue des Inrockuptibles, il est préférable de se pencher sur la performance des acteurs en question : derrière un Raphael Quenard à qui une position plus en retrait permet de briller, ou François Civil et Adele Exarchopoulos qui affirment leur statut, en passant par quelques apparitions bienvenues (Jean-Pascal Zadi, Anthony Bajon en petite racaille, Vincent Lacoste en mari de seconde zone et surtout Alain Chabat émouvant dans son rôle de père) on ne pourra que souligner la performance brillante de Mallory Wanecque. Le point faible du film formel peut donc être mis sur l’image, que l’étalonnage rend criarde puisque très saturée, mais cela reste un aspect mineur du film et certaines scènes possèdent une photographie parfaite.
Peu de critiques donc, pour un film harmonieux et convaincant qui ne saurait faire autrement que viser quelques récompenses, à Cannes comme aux Césars.
Le cinéma est affaire d’émotion. Certains films parlent plus que d’autres. On peut avoir à propos de ce film un regard froid et détaché, lui accoler les qualificatifs de beauf, mauvais, lourdingue. Remettre en questions certains choix de narration, la direction d’acteur ou autres détails. Reprocher une certaine maladresse dans certaines scènes.
Il n’en reste pas moins qu’il subsiste dans l’ensemble du long-métrage une grande sensibilité, une folle énergie... Cela crée une réalisation dont on ne peut contredire l’ambition, et qui accouche, au gré d’un film équilibré, de la belle histoire d’un Amour Ouf, capable sans nul doute d’émouvoir. C’est peut-être l’essentiel.