L'Amour ouf
6.8
L'Amour ouf

Film de Gilles Lellouche (2024)

L'Amour Ouf restera avant tout un bon souvenir de projection en salle puisque j'étais accompagnée de ma maman qui était adolescente lors des années 1980 et qui avait envie de replonger dans sa jeunesse. Une salle de 500 places pleine à craquer en ce samedi après-midi pour assister au film évènement du moment. Car oui, L'Amour Ouf est sans contexte LE film français de cet automne 2024. Avec une promo autant omniprésente à la télévision que sur les réseaux sociaux, un casting 5 étoiles dont deux jeunes révélations (Mallory Wanecque et Malik Frikah, portés au pinacle par l'équipe du film qui les considère d'ores-et-déjà comme les deux futures superstars du cinéma francophone), un réalisateur célèbre en tant qu'acteur et un peu plus de 35 millions € de budget pour une histoire d'amour emplie de nostalgie, il n'en fallait pas plus pour éveiller l'intérêt d'un très large public.

Le résultat ?... Le script suit plus ou moins celui d'Il Était Une Fois En Amérique si le film de Leone était resté très basique. Deux adolescents de milieux sociaux différents tombent éperdument amoureux. D'un côté, Jackie, une fille studieuse bien qu'un brin insolente, ternie par le décès de sa maman dans un accident alors qu'elle était enfant. De l'autre, Clotaire (le dernier de la classe dans les récits du Petit Nicolas) qui porte visiblement bien son prénom puisqu'il ne va plus à l'école. Il préfère laisser le destin le conduire à être un bad guy pour donner une forme de sens à sa vie. Entre ces deux-là, rien ne les rassemble. Ils ne sont même pas complémentaires et ils n'ont pas grand-chose à se dire ou partager. Ils vont pourtant s'aimer, comme des oufs. Et puis le drame survient, Clotaire est condamné à 12 ans de prison ferme et c'est en pensant à Jackie à chaque instant qu'il trouvera la force de supporter cette difficile épreuve. Libéré à l'âge adulte, Clotaire souhaite retrouver Jackie. Mais cette dernière est ailleurs. Elle a littéralement changé de vie et aspire sûrement à autre chose…

Cela ne vous rappelle rien ? Deborah et Noodles dans le grand classique de Sergio Leone. Ajoutez à cela un Gilles Lellouche qui souhaite se mesurer à la dextérité d'un Martin Scorsese en saupoudrant le tout d'ultra violence en mode Quentin Tarantino. Mouais, pourquoi pas ? Sauf que Lellouche n'est ni Leone, ni Scorsese, ni Tarantino et que son film n'a pas vraiment de sens.

N'ayant pas lu le roman original qui se voit adapté ici, j'ignore si les portraits psychologiques des protagonistes sont les mêmes et sombrent autant dans du grand n'importe quoi. Ok, le sentiment amoureux peut surgir à tout moment et les différences peuvent parfois s'attirer. Mais là, entre Jackie et Michel… pardon, Clotaire, les différences se mesurent à l'échelle de l'univers. Il est brutalement impulsif, elle déteste la violence. Il est un zonard de première classe, elle est pleine de projets. Il est analphabète et totalement inculte, elle est studieuse et vénère The Cure (en même temps, si l'on checke des vidéos de The Cure en concert dans les années 1980, le look ultra goth du public ne ressemble pas vraiment à celui de la toute mignonnette Jackie). Qu'est-ce qui attire ces deux tourtereaux à s'aimer ainsi, alors ?... Lellouche n'apporte aucune réponse, c'est comme ça, il s'en tape. Les deux tourtereaux s'insultent mutuellement la première fois qu'ils se croisent et vont donc s'aimer comme des malades durant toute leur vie. Normal, quoi.

Ensuite, le casting… Ben, il n'est pas si ouf, finalement. Les plus touchants restent assurément Élodie Bouchez et Alain Chabat, parfaits dans leur rôle de parents aimants et inquiets. Civil nous rejoue le dur à cuire de Bac Nord, Poelvoorde, en mafieux, va jusqu'à caricaturer la célèbre grimace de De Niro, Quenard fait du Quenard, Zadi nous la joue Eddy Murphy et Lacoste n'est pas vraiment crédible en violent connard amoureux. Quant aux ados, si Mallory Wanecque et Malik Frikah vont certainement remporter les César 2025 des meilleurs Espoirs, la jeune actrice n'est pas toujours très juste face à la superbe performance de son partenaire. Car s'il faut visionner L'Amour Ouf, c'est bien pour l'incroyable Malik Frikah, stupéfiant de véracité dans ses moments sombres comme dans ses moments plus lumineux.

Sur 2h46, il y a néanmoins deux ou trois scènes superbes (dont la chorégraphie des deux amoureux sur "A Forest" de The Cure) mais LA scène, pourtant presque bénigne, reste à mes yeux celle entre Adèle Exarchopoulos et Élodie Bouchez où la magie émane immédiatement. Ces deux-là sont faites pour jouer ensemble et je ne serai pas étonnée qu'Audrey Diwan, la coscénariste, s'accrédite l'entière maternité des dialogues de ce moment tellement qu'ils sonnent justes.

Mis à part cela, les facilités scénaristiques sont légions, la caméra ne cesse de virevolter dans tous les sens, il y a énormément de longueurs, la violence est souvent risible et je suis ressortie de la séance avec le goût amer d'avoir bien plus participé à un rendez-vous manqué qu'à l'élaboration d'une magnifique histoire d'amour. Déception de ouf.

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