Avant tout chose je tenais à commencer cette critique par un court préambule.
Préambule : loin de moi l’idée, avec cette critique, de me prendre pour un journaliste des cahiers du cinéma. J’ai juste vu un film et il me donne envie de dire des choses alors je les dis.
L’amour ouf est à mon sens un très bon film bourré de qualité et de défauts. J’irai même plus loin, les qualités de ce films sont aussi ses défauts. Pour illustrer ce drôle de paradoxe, je commencerai par l’image
Évidemment, l’image est très très belle. Si belle qu’elle sauve parfois quelques longueurs du film qu’on abordera plus tard. Même si je n’ai pas vu un nombre incalculable de films français, j’ai tout de même l’impression que l’image, dans le paysage cinématographique français, tend à se standardiser et à s’aligner sur des schémas pré construits par le cinéma américain pour gagner en popularité et se faire facilement comprendre par l’inconscient du spectateur. Je vais voir une comédie grand public avec Christian clavier en tête d’affiche ? Mmmh cette image est bien bien neutre mais je m’en fous car je veux voir des vannes racistes sur fond de vivre ensemble ! Oh tiens, un film d’auteur ! J’adore ce grain et cet étalonnage orange, merci Amélie ! Enfin bref, je m’égare. Pour revenir au film, je ne saurais pas décrire exactement pourquoi mais j’ai dès le début eu le sentiment de voir quelque chose de différent, et ça c’est cool.
Mais revenons au parallèle défaut/qualité. Cette même image donc, si agréable à regarder, tend pourtant à certains moments à se caricaturer elle même, à exagérer ce qu’elle propose, et c’est là le « problème » du film.
Si on s’intéresse maintenant à la mise en scène, on se rend compte du même constat. Je sens que le réalisateur (je ne me permettrai pas de l’appeler Gilles) veut faire du cinéma, qu’il veut jouer avec tous ses outils et rien que cette intention est louable. Je sens que Gilles (bon finalement c’est plus court) aime le cinéma, qu’il connait ses classiques, qu’il est solide sur ses appuis, et qu’il a envie quelque part je pense de rendre un hommage subtil à toutes ses inspirations, qu’il s’est bien évidemment approprié. Et c’est là encore l’occasion de revenir sur le parallèle dont nous parlions plus tôt. Je trouve vraiment les plans très très réussi, dans leur composition et le mouvement des sujets (je jure que le plans sur les 5 mercos qui descendent le parking au début du film j’aurais tué pour en avoir l’idée). Je trouve qu’il y a une vraie patte là dedans, et que Gilles apporte une réelle plus value ! Je prendrai pour exemple le fait que le film s’affranchit presque totalement de champ contrechamps basique et essaie toujours de proposer quelque chose de cohérent avec l’intrigue qui se déroule sous nos yeux (là encore je citerai le passage au restaurant pour l’anniversaire de Jacky). Mais malgré tout ça, j’ai quelquefois eu la fâcheuse impression que Gilles, sans s’en rendre compte, s’inspirait peut être un peu trop. Il m’est arrivé dans le film de me dire « eh mais c’est fight club ça » ou alors « eh mais c’est pulp fiction ». De même pour le passage quasi total à la courte focale en deuxième partie de film ! J’en connais un qui adore La haine. Et me lancez même pas sur Le Parrain ! L’idée des braquages commis par Clotaire pendant que son boss est à l’église pour un mariage ? Attention Gilles, faudrait pas que tu finisses par faire un megalopobis. Enfin bref, peut être que ce ne sont que des hommages assumés, auquel cas je ne les aurai pas ressenti comme ça.
Je continuerai en revenant sur la plus value qu’ajoute Gilles au film. Comme dit plus tôt, il tente et essaie d’innover, ce qui est très louable. J’en tiens pour exemple tous les jeux de perspective qu’on peut retrouver dans les plans du film, ou encore ces jolies amorces quasi omniprésente. Gilles joue beaucoup avec la profondeur de son cadre et tente toujours de l’exploiter et même d’en créer le plus possible. L’idée me séduit, mais le fait qu’elle revienne à mon goût trop souvent dans le film lui fait perdre de sa saveur et amène des fois à un sentiment de redondance. Ainsi on se retrouve parfois avec des plans qui devraient être très simple, et qui pourtant se retrouvent à être selon moi trop alambiqué et font perdre de l’impact à l’action.
Au delà de ça, j’aimerais parler du genre du film.
Alors la, si je devais le décrire, je dirai que pour moi c’est comme si Gilles avait fait la liste de ses plats préférés, les avait préparés chacun très minutieusement, avait tout balancé dans une grande marmite puis avait secoué tout ça très fort, pour finalement disposer le résultat final dans une assiette avec un dressage digne d’un 3 étoiles.
Je m’explique. Comédie romantique, film générationnel, comédie musicale, film de gangster à la scarface (y’a un mot pour ça mais j’ai oublié), j’ai retrouvé tous ces genres dans le film. Et malgré tout, alors qu’on pourrait penser cet ensemble assez indigeste, le tout fonctionne assez bien. Et c’est sûrement grâce au soin accordé à chaque aspect. Pour ce qui est la comédie romantique, bah bravo. C’est pas cliché pour un sou, et si ça l’est parfois ça l’assume. J’en dirai pas plus j’y connais rien en romcom. Par contre pour l’aspect générationnel je dis OUI. Alors là vous pensez sûrement « mais il est con il vient d’admettre qu’il connaissait pas les romcom et qu’il en parlerait pas, pourquoi il vient faire l’ancien alors qu’il a pas connu la cdm 98 ?». Bah c’est simple même si ça sera pas long. J’en ai vu des films qui essaient de dépeindre ses époques, et j’ai toujours ce sentiment persistant que les reals s’appuient sur des éléments connus par le plus grand nombre pour faciliter la compréhension du spectateur. Je veux te dire qu’on est dans les années 70 ? Wouwouwou je met de la disco, des hippies qui fument de l’herbe et des gens qui disent à quel point c’était cool mai 68. Années 80 ? J’écoute run DMC et je joue à mario. Enfin bref, retour au film. Ces sensations de déjà vu ne m’ont même pas effleurée. Regarder le film, pour moi, c’était comme ce que je m’imaginais quand j’écoutais mes parents parler de leur jeunesse. Évidemment c’est flou parce que les mistrals gagnants pour moi c’est juste une chanson de Renaud, je connais que les astro moi. Et le film laisse ce flou, merci à lui d’ailleurs. Y’a des trucs que je connais et ça me fait me sentir trop cultivé de les connaître, puis y’a des trucs que je connais pas mais je sais que c’est pas pour moi, je suis juste trop jeune. L’exemple qui illustre parfaitement ça, c’est l’arrivée au lycée de Jacky. On a un plan dans la cour de récré, mais on ne voit que les chaussures des élèves. Je connaissais pas toutes les marques, mais je sais que quelqu’un de cette époque se serait probablement fait madeleine-de-prouster la gueule violemment en voyant à l’écran sa vieille paire.
La comédie musicale quant à elle, même si plus mineure que le reste, a son lot de bonnes et de mauvaises choses. L’idée en tant que telle me séduit, et la réalisation de ces séquences est superbe, d’autant plus qu’elle est sublimée par une image magnifique. Je comprend le principe d’utiliser ces séquences pour appuyer les émotions des personnages, mais on a quand même ce p’tit goût de trop à la fin. Comme au buffet à volonté chinois quand on se force pour manger les desserts alors qu’on a deglingué les nems et le porc au caramel. On est content, ils sont bons ces desserts, mais c’est un coup à repeindre la banquette arrière sur le chemin du retour.
Pour finir avec cette partie, le côté trajectoire à la scarface de Clotaire. Dans l’ensemble c’est agréable à suivre. On a des bonnes scènes d’action qu’on prend plaisir à regarder et qui sont assez originales et bien réalisées. Le son de l’impact des coups de batte que se prennent dans la gueule les gars face à Clotaire… j’avais des frissons. Cette intrigue la permet donc de bien rythmer le film mais tombe parfois dans la facilité scénaristique, ou en tout cas on trouve certains ressort assez prévisible. Attention spoiler : bah oui Clotaire tu croyais vraiment que Labrosse allait jeter son fils en taule à ta place ? Réfléchis bon dieu, au lieu d’abandonner toute défense lors de ton procès.
Enfin bref, pour finir je dirais que c’était un super film qui manque d’expérience, et j’espère sincèrement que monsieur Gilles Lelouche continuera à écrire et réaliser parce qu’avec toute cette bonne volonté il finira sûrement par rejoindre le panthéon des reals français. On voit les erreurs mais on les pardonne parce qu’elles découlent de ce que le film a de mieux à offrir. Quand ça rate c’est pas parce que c’est mal fait, mais parce que c’est trop bien fait. Pour finir je vous laisserai avec mon ressenti de LA jolie scène du film où (SPOILER) les deux amoureux se retrouvent et s’embrassent enfin après de longues années de séparation :
« Oui Gilles, je suis d’accord que l’amour c’est beau et que quand ils s’embrassent ils sont mignons. Mais bon est ce qu’on avait vraiment besoin d’un baiser long d’une minute et des 4 ou 5 plans différents qui l’accompagnent ? » Et alors que je pense ça, je sens Gilles qui pose sa main sur mon épaule et qui me dis « mais si regarde c’est beau c’est l’amour ». Je vois dans ses yeux qui pétillent la passion qui l’anime, alors je dis d’accord et je pétille avec lui.