Avec son huitième long-métrage L'Ange Ivre, Akira Kurosawa nous fait suivre une étroite rencontre puis relation entre un médecin alcoolique et un gangster blessé qui va apprendre qu'il est atteint de la tuberculose.
En profitant du relatif relâchement de la censure des années d'après-guerre (c'est selon lui le premier film où il se sent libéré de toute contrainte extérieure), Akira Kurosawa dépeint avec L'Ange Ivre l'univers des yakuzas. Il met en scène une rencontre surprenante entre un médecin alcoolique au grand cœur et un gangster malade, sachant en faire ressortir les intérêts mais aussi les sensations et la richesse.
Règlement de compte avec la pègre qui a prospéré dans un Tokyo ravagé, L'Ange Ivre traite avec intelligence de thématiques telles que la crainte de la mort, la fraternité ou l'hypocrisie que l'on retrouve dans tous les personnages. Kurosawa se montre assez dur avec la nature humaine mais fait aussi preuve d'un véritable et profond humanisme dans le traitement des enjeux et personnages, tandis qu'il démontre ses qualités de cinéastes en sachant les rendre intéressants, ambigus voire même attachants.
L'oeuvre est d'une grande richesse tandis que le futur metteur en scène d'Entre le ciel et l'enfer sait se montrer violent et cru, mais sans aucun excès et toujours avec justesse, faisant notamment ressortir les sensations des protagonistes et de son récit. Les métaphores visuelles sont souvent délicieuses, tout comme ses plans et mouvements de caméra tandis que pour sa première collaboration avec Toshiro Mifune, ce dernier se montre remarquable, sachant transmettre la tristesse et l'émotion par un simple regard, formant un brillant duo avec Takashi Shimura.
Alors que la maladie sera le combat le plus compliqué d'un Yakuza, Akira Kurosawa propose une plongée dans l'enfer de la mafia japonaise à travers une relation ambiguë entre un des membres et un médecin, traitée avec humanisme, violence, sensation et surtout un immense talent.