Un bon film, sans doute un peu démonstratif dans son déroulement et surtout trop gros pour convaincre totalement. D'un film à l'autre Jean-Claude Brisseau explore des thématiques foncièrement intéressantes, parvenant à transformer ce qui n'aurait pu être qu'un simple petit polar en conte vénéneux aux accents fantasmatiques.
Semblant sortir d'un film de Luis Bunuel ( on pense beaucoup à la cinégénie de Catherine Deneuve dans le mémorable Belle de Jour ) la charmante et distinguée Sylvie Vartan y incarne une femme notable au passé trouble, responsable d'un meurtre ouvrant laconiquement ledit polar. Allant à l'essentiel dans un premier temps Brisseau densifie par la suite son intrigue au gré des séquences, capable d'organiser quelques détours narratifs par l'entremise du personnage joué par Tchéky Karyo ( l'acteur, mélange de virilité froide et de veulerie féminine, demeure pas mal étonnant ).
L'ange noir reste un film clairement représentatif du travail de Brisseau inauguré avec le très bon La vie Comme ça. Comme souvent avec le cinéaste la topographie des lieux y joue un rôle majeur : symptomatique des caractéristiques physiques et psychologiques des personnages elle fonctionne comme un véritable révélateur social et parfois moral, qu'il s'agisse des banlieues HLM de Bagnolet de La vie Comme ça et De bruit et de fureur ou encore de la province stéphanoise de Noce Blanche. En l'occurrence la région bordelaise constituant en grande partie le cadre de L'ange noir fait pratiquement corps avec les différents personnages, filmée avec rigueur, épure et précision par le réalisateur.
Par ailleurs la dimension érotique, souvent proche de la transfiguration est ici une nouvelle fois de mise, toujours au service d'une intrigue au coeur de laquelle la corruption, la vengeance et les identités changeantes régissent le parcours de cette héroïne obscure et désirable. Un beau film, ni plus ni moins.