Brisseau, qui avait alors le vent en poupe, s'est permis avec ce film un caprice de diva: imposer pour le rôle principal Sylvie Vartan, qui n'avait eu qu'une carrière cinématographique anecdotique et occasionnelle, et qu'il voulait faire tourner depuis longtemps. Bonne pioche: la chanteuse, magnifiée par la mise en scène amoureuse du réalisateur, est tout-à-fait convaincante dans le rôle de cette bourgeoise vénéneuse héritière des femmes fatales de l'Hollywood de jadis.
Après les classes populaires ("De bruit et de fureur") et moyennes ("Noce blanche"), Brisseau s'attaque donc aux classes supérieures, et on ne peut pas dire que sa vision y gagne en optimisme: tout n'est qu'apparences et mensonges, la cruauté n'est jamais loin, l'amour mène finalement à la souffrance. Et la jeunesse n'est même pas synonyme d'espoir, puisqu'elle peut se montrer encore plus perverse que ses aînés, avec le personnage glaçant d'Alexandra Winisky et celui de l'avocat aussi mielleux que cynique interprété par Philippe Torreton, dont c'était une des premières apparitions à l'écran. Le personnage de Michel Piccoli est l'un des rares à bénéficier d'une certaine indulgence, lui qui aime sa femme comme au premier jour et est prêt à tout pour elle.
On retrouve aussi dans ce film le goût de Brisseau pour les jeunes filles mimant des scènes érotiques: cela est certes très joli, mais n'apporte pas grand-chose au récit et est finalement quelque peu complaisant.
Ce film noir vaut aussi pour la prestation de Tchéky Karyo, qui s'était déjà spécialisé dans les films d'action et les rôles de méchants: on le redécouvre dans un autre registre en avocat louvoyant et pas très net lui non plus, qui, guidé par une main invisible, mène son enquête et découvre le passé trouble de sa cliente; on se doute d'emblée qu'il a toutes les chances de laisser des plumes dans l'affaire.
Brisseau nous met donc une fois de plus une baffe (cinématographique) dans la tronche, et ça réveille !