Steven Soderbergh sera toujours un réalisateur de films indés. On peut lui refiler un casting 4 étoiles (Ocean's Eleven), ça ressemblera à un film de potes à l'arrivée. Il peut s'atteler à un film catastrophe tendance épidémie (Contagion), ça n'aura jamais le pompeux d'un Wolfgang Petersen. Tant mieux, d'ailleurs!
Soderbergh restera toujours un artisan et par conséquent accouchera majoritairement de "Petits Films" et, assez rarement, de petits"Grands Films"(Traffic). "L'Anglais"(dont le titre original, "The Limey", pourrait plutôt se traduire par "Le Rosbif") est un grand "Petit Film".
Tourné entre "Hors d'Atteinte" et "Erin Brockovich", "L'Anglais" entre dans la catégorie des métrages où Soderbergh expérimente. En l'occurrence, là il joue sur la temporalité de l'histoire en faisant usage d'un montage éclaté particulièrement brillant. Un procédé qui donne une puissance émotionnelle inédite à une histoire à la base pas franchement originale. Tous les personnages sont des personnages archétypaux du polar mais quelque chose dans la mise en scène et l'interprétation des comédiens les rend ridicules, inquiétants, tristes et pathétiques mais pas risibles comme dans un film de Guy Ritchie.
Soderbergh a aussi une manière très intelligente d'utiliser Terence Stamp et Peter Fonda et de les confronter aux mythes qu'ils ont représenté à une époque, allant même jusqu'à détruire ces mythes avec la bénédiction des intéressés: pour Peter Fonda, le rebelle des "Anges Sauvages" et d' "Easy Rider" est devenu un vieux bellâtre au sourire ultra brite assez dégueu, carriériste et ayant fait fortune en exploitant la nostalgie des 60s. C'est pas ce trou du cul de Dennis Hopper qui aurait eu cette prise de conscience. Purée! Il y a même le type qui jouait Kowalski dans le cultissime "Point Limite Zéro"(1). Et tous se retrouvent devant la telé à regarder George Clooney faire le guignol dans une émission people. Haha! Trop drôle!
A la fin, le côté gauche et vulnérable de ces personnages de criminels divers et riches californiens, finalement pas si éloignés que ça de mon voisin ou ma boulangère à part qu'ils ont plus la classe et un super chef op' pour les éclairer, rend la tragédie de leur histoire plus intimement douloureuse.
Une petite expérience cinématographique à tenter. Le film durant 1h20, ça vous prendra pas la journée.
(1) http://www.senscritique.com/film/Point_limite_zero/490360