Soderbergh aime aller ratisser des terres déjà conquises : il est bien conscient, dès les origines de sa carrière, que le cinéma ne l’a pas attendu pour codifier des genres, et que presque tout a déjà été dit ou raconté avant son arrivée. Mais c’est un petit malin, qui a compris une idée simple : quelques afféteries formelles saupoudrées sur du classicisme pourront faire illusion (qu’on revoie à ce titre son premier film-Palme d’or Sexe, Mensonge et Vidéo, bel exemple d’esbroufe ne passant pas trop le test d’exhumation).
L’anglais suit donc la trame d’un film noir, dans lequel le très british Terence Stamp va venir en découdre avec des yankees ayant fait du mal à sa fille. L’intrigue importe peu, pas plus que la crédibilité, laissée de côté au profit d’un portrait assez amusant d’un vieil homme hargneux que les cheveux blancs n’empêchent pas de dézinguer à tout va les mastards se mettant sur sa route. Œdipe revisité (en gros, les erreurs du papa se sont reproduites dans les comportements du petit-ami, mais avec une issue fatale), grosses villas, poursuites et rafales, l’intérêt est limité, la colère parfois divertissante.
Sur la forme, donc, Soderbergh tente de jouer la carte « un réalisateur/auteur est derrière ce film » : par le travail de montage notamment, la bande sonore désolidarisée de l’image, ou une même conversation se déroulant sur plusieurs séquences filées, histoire de mélanger un peu les temporalités, entre l’arrivée par avion, motif récurrent supposé nous plonger dans l’introspection du vengeur, ses souvenirs de jeunesse (l’occasion de diffuser des extraits de Pas de larmes pour Joy de Ken Loach réalisé 32 ans plus tôt) ou ceux des témoins de la mort de sa fille. Ajoutez des séquences fantasmées qu’on ne vous révèle qu’après coup et la coupe est pleine.
Petit film sans grande portée, L’anglais a le mérite de confirmer une vérité riche d’enseignement : réactiver et moderniser une forme ancienne (ici, le film noir ayant vu son apogée entre les 40’s et 50’s) n’est pas toujours le gage d’une modernité flamboyante, et le goût du jour vieillit bien plus vite que les ancêtres qui lui servent de prestigieux modèles.