Avant toute chose, je précise que la Russie est toujours un pays qui m'a profondément fasciné et qui m'a toujours beaucoup intéressé, évidemment, cela ne peut que jouer sur mon ressenti global face à ce bijou du cinéma. Toutefois, vous n'êtes nullement obligés d'avoir de solides connaissances historiques sur la Russie, car ce film n'a pas pour objectif d'être didactique, et c'est ce qui en fait une de ses principales forces.
Je ne pensais pas être aussi ébahi, époustouflé en sortant de ce film, d'autant plus que je n'ai pas eu la chance de le voir au cinéma, ni même sur un grand écran. Je m'attendais à passer un agréable moment devant, ça c'est sûr, mais je ne m'attendais pas à un film capable de transporter autant son spectateur dans un univers si particulier. L'Arche Russe est un véritable ovni dans l'histoire du septième art, car il invente une nouvelle façon de concevoir le "film", et il le fait avec une grande habileté, une grande intelligence, et une grande aspiration poétique.
Je dirais tout simplement que Sokourov réussit avec L'Arche Russe un coup de maître. J'avais été très déçu de Mère et fils, qui selon moi était assez pauvre dans le contenu et ressemblait plutôt à un exercice de style assez plat qui ne m'a pas véritablement pris aux tripes, un film parfois un peu lourd avec des plans qui durent à certains moments dix bonnes minutes sans qu'ils n'aient une véritable force dans ce qu'ils transmettent.
Avec L'Arche Russe c'est bien différent, on atteint des sommets en termes de maîtrise technique car il faut bien le dire, c'est une sacré prouesse d'avoir tourné ce film en un seul plan-séquence. D'ailleurs, c'est cet aspect technique qui renforce le charme poétique et donne au film une dimension fantastique et onirique tout à fait intéressante et même envoûtante.
Je pense que le spectateur se méprendrait s'il en venait à considérer ce film comme un simple exercice de style, ce film est bien plus que ça, car non seulement il est presque irréprochable sur le plan technique, mais il est aussi extrêmement fin dans la simplicité de ce qu'il nous raconte.
En effet, les petites réflexions sur l'art, sur l'histoire, sur l'âme russe sont toujours les bienvenues, elles ne sont aucunement lourdes et prétentieuses, c'est extraordinaire.
L'Arche Russe est donc un voyage à travers l'âme de la Russie, mais aussi et surtout à travers l'âme et la grandeur de St Petersbourg.
C'est un film où l'on s'y sent bien, où l'on part en voyage pour une bonne heure et demie de spectacle et de sensations apaisantes. A travers ce somptueux voyage temporel, c'est un film qui est tout bonnement le rêve de tout passionné d'histoire, d'art, et de beauté en général...
J'ai aussi énormément aimé la relation entre le personnage principal, avec son cynisme extrêmement réussi, et l'idée d'un homme invisible qui nous transmet son propre regard et nous emmène dans les différentes salles du musée. Il faut donc saluer la prestation générale de Sergei Dontsov, qui est parfaitement à la hauteur de ce qu'on pouvait attendre d'un film aussi ambitieux dans sa structure. En effet, ce personnage parvient à donner une touche tout à fait intéressante en apportant un regard extérieur sur de nombreux faits, tout en finissant par être véritablement fasciné par ce qu'il voit. Eh oui... Comment ne pas être fasciné par ce magnifique bal impérial de 1913, dernière expression de la grandeur tsariste de l'histoire de la Russie ?
Ce film est aussi un hommage général à ce magnifique musée de l'Ermitage. Certes, on peut constater qu'il s'agit d'une oeuvre très personnelle pour le réalisateur en question, mais ce qui en fait sa grandeur et ce qui en constitue un véritable chef d'oeuvre selon moi, c'est que Sokourov parvient à emporter totalement le spectateur dans son propre fantasme tout en le sublimant par la magie de l'art.
L'Arche Russe m'a définitivement conquis. Ce film a un charme et un souffle vital que j'ai rarement vu ailleurs. Un magnifique moment de cinéma.