Blancheur du ton, dépouillement de tous les éléments qui constituent ce que la majorité appellent le cinéma (jeu réaliste des acteurs - une chose que Robert Bresson détestait par dessus-tout, on le sait - mais aussi dramatisation du scénario), "L'Argent" est le dernier film de Bresson, et peut-être l'un de ses plus radicaux, donc l'un des moins "acceptables" à notre époque obsédée par le plaisir.
Il confirme - malgré, apparemment, l'insatisfaction de Bresson, qui ne pensait pas encore avoir atteint ce qu'il cherchait ! - le modernisme total, mais aussi, et c'est plus exceptionnel, l'aspect intemporel de sa démarche. Le spectateur, désorienté, en sera parfois irrité, trouvera cela ridicule, mais sortira finalement glacé de ce constat imparable sur la violence que la société fait subir à ses plus démunis, une violence à laquelle Bresson semble justifier ici que l'on réponde par le meurtre le plus gratuit !
Les dernières scènes du film étant par ailleurs d'une fulgurance tellement extrême (oh, cette trajectoire de la hache !) que "l'Argent", même s'il est peut-être moins intellectuellement satisfaisant que les précédents chefs d'oeuvre de Bresson, semble quand même être indépassable, et incontournable sur son sujet.
Bon courage !
[Critique écrite en 2005]