Il plane sur ce film une sensation de plénitude.Toutes ses composantes invitent à la fascination. A commencer par le titre, inquiétant et crépusculaire, dont on ne peut saisir pleinement le sens qu'après.
Adolescent, quelques scènes m'avaient fortement marqué. Les scènes de fuite bizarrement.
Devenu cinéphile exigeant, j'admire les cadrages rigoureux qui s’enchaînent avec la lenteur d'une Tragédie Magistrale. L'engrenage fatal, ou plutôt les engrenages qui font des individus des pions dans la grande toile d'araignée de la guerre Totale.
La France ne fut qu' Hiver durant l'occupation, nous suggère Melville avec ses lumières froides et ces arbres inexorablement déplumés en arrière-plan. Nuit, petits matins blêmes sont les moments où les Ombres sont à l'oeuvre. Jamais de Soleil.
La musique sépulcrale réveille de vieux souvenirs aux plus de trente-cinq ans, elle sonne comme un avertissement que les Dossiers de l' Ecran commencent, fait le lien involontaire avec l'envers de ce film, Papy fait de la résistance sorti quinze ans après. Les post soixante-huitard y dézinguaient à cœur joie la mémoire à la papa, quand Melville, lui même ancien résistant, met son talent, son exigence et son âme à vouloir rendre compte de la Vérité; nulle héroïsation excessive. Gerbier ne sera jamais au Panthéon, sinon comme le plus Grand rôle de Lino Ventura. Puissant comme à l'habitude, mais aussi Minéral, Magnétique, tour à tour Taureau et Esprit d'acier pour sa survie et pour la Cause.
Le plus déroutant dans ce film d'action est l'empreinte de la Philosophie comme grille de lecture des Actes et des Hommes.
La Mort étant la principale compagne de ces résistants, les deux seules façons de la garder à distance, sont l' Action dans le moment présent, et la Philosophie lors des temps d'attente, de planque, pour se dire que la mort n'est rien pour nous puisque lorsqu'elle survient, nous ne sommes déjà plus...
Melville semble exprimer par devers lui une nostalgie pour cette époque. Il était ce Gerbier. On sait combien il dirigeait ses films comme un commandeur intransigeant, frappant à l'occasion ceux qui comme Ventura ou d'autres lui résistait de trop. ( témoignage de techniciens)
Et puis:
-les si fines jambes de Signoret, sa force incroyable de femme de tête, et sa faiblesse de femme de cœur.
-cette étrange scène à Londres où au milieu des bombes, pour une fois Gerbier redevient humain en regardant des femmes (de loin).
-le merveilleux Paul Meurisse à la fois bon pépère et empreint de gravité comme jamais
-sans oublier le virevoltant Jean-Pierre Cassel qui nous offre un brin de romantisme aventureux avant de nous laisser pantois. Petite concession à l'heroïsation?
Combien de résistants ont tout bonnement disparu sans laisser de traces sous les rouages de la machine nazie ?
Reste les scènes les plus difficiles, que je tairai ici, presque par pudeur. Que ne fait-on parfois, qui vous hante à jamais, comme des ombres?
L'Ombre d'un Homme aurait dit ce cher Camus.