Le cinéma de Jean-Pierre Melville est solitude.
Au début, je voulais m'arrêter là.
J'étais fier, gonflé de tant de pertinence, car finalement tout était dit. Pas un bout de gras, l'essentiel, pas de vastes étendues où j'ai toujours tendance à me perdre.
Je dois t'avouer que j'ai versé ma petite larme. J'avais enfin réussi à parler du film, et rien que du film.
Après j'ai pensé raccourcir un peu et déposer ici : solitude.
Solitude.
T'imagines ?
Rien de plus, de la franchise, pour paraphraser en mots, celui qui essayait, film après film, de tendre vers l'ascétisme cinématographique en explorant son pendant le plus putatif : le Polar. Être résumé à quelques lettres. Ça me semblait à la fois chouette, culotté, tellement rare dans ces plaines où, toi et moi, on survit.
Et j'ai encore chialé un peu.
Puis, j'ai réfléchi et je me suis dit : « Mais si tu fais ça, Jéhovah - ouais, en ce moment, dans l'intimité je m'appelle par mon petit nom- les gens vont dire que t'es qu'un putain de poseur ». J'avais envie de l'envoyer se faire clouer ce petit salopard.
Quel culot, merde !
Moi, un putain de poseur !? Venant d'un mec qu'est accroché dans toutes les putains d'églises de la planète.
Mais je me suis retenu, paraît que son Vieux a le bras long.
Je me suis calmé et en y réfléchissant, il n'avait pas totalement tort. J'aime pas trop qu'on m'apostrophe de la sorte mais je crois qu'il avait raison.
On ne pouvait rendre justice à une œuvre en un seul mot. Même si c'est le seul qui vaille. Qu'il soit samouraï, prêtre ou membre de l'armée des ombres, jamais personnage au cinéma ne m'a paru plus solitaire que dans un Melville.
Le décorum, la valse des dialogues, les œillades ; tout ne serait que superfétatoire, terne, hors-sujet. Le temps se dilaterait tout autour des personnages.
Absolument tout doit passer par les visages, les regards.
S'il y a des mots, ils doivent se faire concis, absents.
Pour l'Historique, celui avec un grand Hasch, qu'il aille au diable et avec lui, la vraisemblance. Qu'ils rôtissent, conjugués, enamourés pour l'éternité.
L'Armée des Ombres, c'est le combat d'une armée de spectres, son sacrifice, contre une armée des ténèbres. C'est un film qui traite d'une période qui pourrait être la notre. Ses héros sont toujours des hommes figés dans leur éternité. Isolés dans leurs certitudes, poussés par un souffle insoupçonné. Ils sont abstraits, taillés à la serpe, pour certains. Quant à moi, j'aime à penser qu'ils sont proches d'une vision fantasmée qu'avait Melville de la banalité, des héros d'un quotidien, soldats anonymes. Ce qui donne, selon moi toujours, à leurs actes de bravoure ou de couardise un poids évident, fatal. Les espoirs, les échecs, les trahisons, les tortures, la vie quoi.
La mise en scène est maniaque, clinique, sans emphase. Elle ne caresse rien.
Un film d'hommes mais avec des femmes dedans aussi.
Puis, après je me suis dit, pourquoi se faire chier à écrire un truc pour un site à la con qui fait rien qu'à buguer.
Autant fermer sa gueule.