Comment donner une suite crédible au meilleur film d’horreur de tous les temps ? Sam Raimi ne s’est pas vraiment posé cette question, il s’est contenté de changer de genre et d’univers en envoyant son héros affronter des cadavéreux en l’an 1300. Toujours armé de son fusil à double barillet et de sa tronçonneuse greffé au poignet, Ash se retrouve à devoir livrer bataille dans des joutes moyenâgeuse, et rien ne lui sera épargné. Au lieu de l’ériger comme l’élu de la prophétie, les villageois le balance au fond d’un puits pour aller chanter fleurette à la sorcière qui s’y terre. Intrépide bien que téméraire, le bougre manque de peu de se faire embrocher par des pics acérés avant de se hisser en harnachant sa ceinture sur un treuil comme le ferai un certain Indiana Jones à l’aide de son fouet. Evil Dead 3 L’Armée des Ténèbres ne fait pas peur, il s’agit d’un film d’héroic fantasy qui ouvre les frontières de l’imaginaire dans un monde plus ouvert que la petite cabane étriqué au fond des bois. Cela va permettre à son réalisateur de mettre en scène une bataille de grande ampleur afin d’assouvir sa passion et de rendre hommage à tout un pan de l’animation en stop-motion notamment Jason et les Argonautes où Ray Harryhausen avait livré certains des meilleurs effets spéciaux dans le domaine. Le tournage va s’éterniser plus que de raison, 103 jours durant afin de mettre en boîte ce film d’aventure épique qui fait de l’humour slapstick son cheval de bataille au détriment du gore graveleux des deux premiers épisodes. En atteste d’ailleurs le résumé d’introduction de l’opus précédent retourné faute des droits d’adaptation et édulcoré de tout effets sanguinolents.
Comme un enfant dans un magasin de jouet, Sam Raimi dépense tout l’argent alloué au budget dans ses créatures, décors et effets spéciaux, il prend un malin plaisir à faire souffrir son acteur principal et ses équipes dans une nouvelle production guérilla en plein désert ; en dehors des séquences évidemment tournés en studio ; afin de disposer tout une armée de squelette dans la plaine pour la détruire de toutes les manières possible avant de demander à ses assistants de rassembler les morceaux pour les reconstituer et les disloquer à nouveau à coup d’arbalète et d’explosion le soir suivant. Il fait chaud, les journées et les nuis se succèdent à rythme effréné, les équipes se relaient sans jamais cesser de tourner, épuisant les organismes qui enchaînent jusqu’à 21 jours d’affilés pour des salaires de misère. En plus des conditions de travail assez précaires, le casting dort dans un hôtel miteux, les maquilleurs vivent dans des tentes à l’extérieur, la tension monte, les querelles deviennent quotidienne, la violence s’invite devant mais également derrière la caméra. Et le pire dans tout ça, c’est que la plupart des scènes de batailles redondantes seront supprimés durant le montage du métrage sous l’oeil avisé du producteur Dino de Laurentis qui n’hésite pas à élever de la voie. Bruce Campbell change de dimension pour livrer une performance en adéquation avec son sujet et avec la subtilité de son répertoire qui consiste principalement à cabotiner en prenant des coups de son plein grès. Finalement l’élu de la prophétie est loin de l’image d’Epinal esquissé dans le grimoire maudit. Outre ses frasque misogynes, Ash se comporte comme un parfait nigaud totalement égoïste et imbu de lui-même, et c’est bien à cause de sa maladresse et de sa cervelle d’oiseau qu’il précipitera le réveil des forces du mal après leur avoir subtilisé le Necronomicon en omettant de réciter la bonne prononciation à une formule magique.
L’épouvante qu’affectionne tellement les fans de la première heure n’y est pas pour autant aux abonnés absents puisque l’on retrouve l’emploi de la Shakky Cam lors d’une séquence de cavalcade dans les bois poursuivi par l’invasion d’un vieux moulin où le chevalier plus peureux que preux tente de s’enfermer pour échapper aux esprits qui rôdent dans la forêt. Cette scène permet également de raccorder cette unité de lieu aux précédents volets même si Sam Raimi ne pourra pas s’empêcher de dynamiter très vite le récit en malmenant son héros sur une poète à frire, en l’ébouillantant ou en le rouant de coups notamment avec des minis versions de lui-même qui vont lui faire passer un mauvais quart d’heure. Le réalisateur ira même jusqu’à lui offrir un jumeau maléfique à occire ainsi qu’une dulcinée à reconquérir. On nage en plein délire romanesque digne d’un vieux film de cape et d’épée. Mis au piloris des spectateurs insatisfait, Evil Dead 3 L’Armée des Ténèbres fait preuve de la même générosité que son prédécesseur en dépit des nombreux reproches qui lui sont adressés. S’il fallait néanmoins lui adressés un tort, c’est peut-être sur la fin alternative privilégié par les studios alors que son créateur lui destinait une nouvelle aventure mythologique dans un registre post-apocalyptique. Perdus dans les couloirs du temps, il faudra prendre son mal en patience pendant plus de 20 ans pour que Sam Raimi décide enfin d’exhumer son héros de sa routine de magasinier pour réincarner son statut de légende cette fois-ci dans le monde du petit écran avec la série Ash VS Evil Dead qui sera malheureusement annulé à l’issue de la 3ème saison. La malédiction ancestrale du Nécronomicon n’est néanmoins pas prêt de toucher à sa fin tant qu’il y aura encore des fanatiques prêt à dépoussiérer le livre afin de libérer à nouveau les forces du mal. Evil Dead Rise !
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