J'appréhendais un peu de voir "l'armoire volante", l'humour de Carlo Rim appartenant à celui des caricaturistes, ce dernier basculant facilement dans la fausse insolence, l'audace facile, surtout dans sa transposition cinématographique (cf "La rue sans loi").
Je n'en ai été que plus surpris de découvrir un film d'humour noir plutôt efficace. La médiocre qualité dans laquelle je l'ai vu m'a empêcher de profiter pleinement de l'image du grand chef opérateur Nicolas Hayer. J'ai néanmoins vu sa contribution à la réussite du début du film, notamment l'excellente séquence du camion roulant dans un froid terriblement glacial qui mène à la mort de la vieille. Tout cela est pimenté par la très bonne musique de Georges Van Parys.
Le film mixte l'atmosphère angoissante et la comédie pour créer un rendu vraiment étrange, et il n'y a qu'à voir ce passage pour s'en convaincre.
Fernandel est absolument parfait dans son rôle. Il se débarrasse de ses mimiques dont il joue dans joue dans les bidasseries pour créer un personnage grave. Et couplé à l'univers créé par Rim cela lui donne une drôlerie inhabituelle, moins légère et plus mordante. La malchance que rencontre sans cesse le personnage fini par faire penser au spectateur qu'on est dans un cauchemar, ce qui rend la fin assez maligne.
Les seconds rôles comme Marcel Pérès, Berthe Bovy, Pauline Carton, Yves Deniaud, Gaston Modot ou Annette Poivre, de sacrés gueules de l'époque, sont très bien utilisés.
C'est assez bien dialogué, mais Rim n'oublie pas qu'il doit assumer la casquette de metteur en scène. J'ai déjà citer la scène du camion dans la neige, j'ajouterai également la scène où monsieur Puc (Fernandel) se fait livrer toutes les armoires qu'il a commandé. Carlo Rim filme les livreurs en train de les porter dans les escaliers, la réaction des gens. C'est assez long et paradoxalement très drôle. Cela donne lieu à des images très inventives.
Si je devais concéder des défauts au film, ce serai quelques baisses de rythme dans sa deuxième partie (notamment le passage où Fernandel cherche la bonne armoire dans l'hôtel qui traîne en longueur pour pas grand chose) et de rares moments de cette insolence trop facile que je redoutais (la pique du personnage de Pauline Carton contre les ministres, bien que pas totalement fausse).
Au final c'est une jolie réussite pour cet auteur étrange et sans doute l'une des meilleures comédies des années quarante.