Ayant tourné un nombre astronomique de films, dont certains chefs d’œuvres chez Pagnol, Fernandel s’est souvent enfermé dans sa propre caricature, et a interprété le corniaud dans pas mal de navets dans lesquels ses mimiques devenues récurrentes pouvaient lasser, voir excéder.
Scénariste et dialoguiste de plusieurs films, chez Marc Allégret et Maurice Tourneur, dont l’excellent Justin de Marseille, Carlo Rim, qui avait coréalisé Simplet six ans avant, l’une des meilleures comédies de l’époque dans laquelle l’acteur se mettait en scène lui-même, lui propose de tourner dans cette Armoire Volante.
Rassemblant une ribambelle de seconds rôles de premier choix comme Berthe Bovy dans le rôle de la fameuse tante dont la disparition constituera une véritable quête du graal sacré pour un Fernandel sobre et grave, petite moustache et haut de forme, il traverse le film sans jamais user d’une seule grimace, Germaine Kerjean qui campe le personnage d’une concierge incarnant l’absolutisme caricatural de cette profession et Annette Poivre dans le rôle d’une femme de chambre très avenante, Carlo Rim réussit là une comédie machiavélique usant d’un humour noir corrosif.
Usant d’une vitesse de narration appuyée par une mise en scène ne lésinant pas sur les effets de style, je pense notamment à la scène du défilé d’armoire dans un escalier en colimaçon, le réalisateur donne une dimension onirique à son film aux contours sombres et grinçant comme un vieux matelas à ressorts, et donne à Fernandel l’un de ses meilleurs rôles.
L’Armoire Volante est une curiosité qu’il faut absolument redécouvrir.