Ou l’art de traverser sa propre existence en saisissant sans vergogne, toutes les formes d’opportunisme imaginables. Tantôt tendance aristo, tantôt socialiste, puis fasciste, puis communiste, Rosario Scimoni, dit « Sasa », traverse l’histoire de son pays en endossant tour à tour touts les costumes nécessaires à sa propre ascension. Et en plus, ce personnage de faux cul admirable, escroc notoire sans état d’âme, est interprété par Alberto Sordi le magnifique. On est de toute évidence dans ce sommet de magnificence que fût la comédie italienne des années 50, 60.


Réalisé par Luigi Zampa, un cinéaste moins reconnu qu’un Mario Monicelli ou un Dino Risi, ayant fait partie à la fin des années 40 du mouvement néoréaliste italien, il a déjà à son actif une bonne vingtaine de films, dont un remarquable Anni Difficili, un drame narrant la montée du fascisme, avec Massimo Girotti, lorsqu’il réalise L’Arte Di Arrangiasi. Pour accommoder la grande histoire à la sauce vaudeville tendance fable cruelle, personne d’autre que les cinéastes italiens n’étaient maîtres en la matière. Et c’est avec une certaine délectation que l’on assiste à l’ascension toute relative de cet immonde personnage, à qui l’on parvient aisément à s’attacher alors qu’il représente à peu près toutes les abjections imaginables.


Il faut vraiment avoir vu les prestations fabuleuses de cet acteur incroyable que fût Alberto Sordi dans l’histoire du grand cinéma italien. Qui mieux que lui a su interpréter les faux-cul opportunistes à l’écran ? Dans ce film il en atteint une sorte d’apogée de la bassesse et de l’immondice, dans un véritable festival de show Sordien. Prenant le partie de lui laisser raconter sa propre histoire par le biais d’une voix-off qui peut rappeler le mode de narration de Sacha Guitry dans le remarquable Le Roman d’un Tricheur, Zampa réussit un petit modèle de mise en branle de l’opportunisme historique.


Rythmé par les rodomontades et les complaintes de ce charlatan de première catégorie, avec toujours cette férocité et cet art d’imprimer à l’écran les pires bassesses de l’être humain à son propre profit, en les accommodant de tous les attributs fantaisistes issus de la commedia dell’arte, ce film mérite d’être cité aux côtés des meilleures comédies des maîtres en la matière que furent Mario Monicelli, Luigi Comencini ou Dino Risi.
Souvent, l’extravagance et les excès de trait dont les personnages sont affublés, pourrait passer pour de la tartuferie de bas étage, pas chez ces cinéastes là.


Nulle part ailleurs dans l’histoire de la cinématographie mondiale, des réalisateurs n’ont su aussi bien montrer les travers de l’humain dans ce qu’il a de plus vil, avec une telle férocité et un certain raffinement, sans jamais obnubilé l’aspect énervé et dénonciateur bien entendu. Car ces airs d’à peu près tout tourner en dérision cache bien sûr une profonde colère contre l’institution et ses diverses composantes reflétant une critique acerbe contre les travers de cet animal capable du meilleur, parfois, mais surtout du pire, que l’on appelle l’être humain.

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le 26 nov. 2019

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