L'Ascenseur
5.4
L'Ascenseur

Film de Dick Maas (1983)

Dark Water symbolise à lui tout seul la grande incompréhension qui règne autour de la soi-disant salutaire horreur sauce asiat’. Imaginaire ostentatoirement glauque, rythme (très) lent et une peur censée naître de situations du quotidien. Ici c’est une jeune et belle maman divorcée seule avec sa fille qui vont devenir la cible d’un immeuble particulièrement méchant. Le choix d’Hideo Nakata n’a pas été fait par hasard : le japonais illustre cette mode éphémère par son réel succès critique et public. On connaît de lui The Ring (1997), bien entendu, mais aussi ce plus petit Dark Water qui fêtera ses dix ans prochainement. Pour le reste… Eh bien ! on peut désormais affirmer que le réalisateur a déjà sombré dans les oubliettes, et ce n’est finalement que justice.

Pour autant, prétendre que Dark Water est nul serait être de mauvaise foi : le film peut se montrer parfois inquiétant quand il insiste sur des détails a priori inoffensifs (une tache au plafond, un cartable rouge de gamine qui se promène tout seul) mais on sent poindre derrière le film de genre une peinture sociétale pour le moins grossière. Sur l’insalubrité dans les cités, la difficulté de trouver des logements, la situation du couple au Japon… Mais les caractères sont bien trop manichéens pour rendre la critique tranchante.

Ce qu’on peut reprocher à Nakata (et plus particulièrement à l’horreur made in Asia, donc) c’est cette propension à l’auteurisme quand elle a déjà du mal à remplir correctement le cahier des charges d’un petit film d’épouvante. Car, n’y allons pas par quatre chemins, aucune réelle montée d’adrénaline ne vient rompre ici la linéarité d’un récit très prévisible. Et si l’on ne peut rester insensible à certaines trouvailles de mise en scène (qui repose intelligemment sur les fameux détails, une affichette, un bouton d’ascenseur, une caméra de vidéo surveillance, etc.), il est difficile de rester éveillé. Le comble pour un film d’horreur !

A contrario, L’Ascenseur de Dick Maas a incroyablement bien vieilli, et sur un postulat aussi absurde que celui de Dark Water, il touche parfois à l’excellence. Réalisé avec 4 bouts de ficelle au début des années 80, ce petit film culte réalise l’exploit de rendre crédible cette histoire d’ascenseur tueur. Cette réussite tient précisément à ce que le néerlandais, lui, applique à la lettre les codes du film d’horreur sans se poser trop de questions. Il sait que pour qu’un spectateur gobe son histoire débile, il a besoin de rendre son univers aussi banal et réaliste que possible. On est donc loin de l’onirisme classieux oriental, et beaucoup plus près d’une forme de naturalisme urbain assez crasseux. Et ce n’est pas plus mal.

On y suit le parcours d’un simple technicien, forcément cartésien, qui va tenter (en vain) de réparer la maudite cage de métal. Evidemment le spectateur s’identifie à cet individu banal, évidemment, comme lui, il veut comprendre, évidemment, comme lui, il va avoir peur parce qu’il ne comprend pas. La force du film tient d’abord dans cette obstination du réalisateur à traiter avec sérieux ces événements pour le moins absurdes, mais aussi dans le traitement de ses personnages, tous bien interprétés et vivants (pour ceux qui ne grimpent pas dans la chose en question, bien entendu). Toute la différence est là : le petit talent et la sophistication vaine de Nakata sont battus haut-la-main par le savoir faire solide d’un petit artisan (dont ce fut d’ailleurs le seul fait d’armes). C’est beau le cinéma !!

Francois-Corda
8
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Créée

le 16 sept. 2018

Modifiée

le 29 mai 2024

Critique lue 244 fois

François Lam

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