Cette fable sur l'attrait du pouvoir, la puissance du mal et le mensonge fait parfois froid dans le dos, car en fait, c'est un thriller juridique mâtiné d'une dose de fantastique, si bien qu'on ne sait pas toujours très bien sur quel pied danser. On en oublierait presque le côté malsain de cette histoire dont la morale est que notre monde n'est pas beau à voir. Le réalisateur situe l'action dans le milieu des avocats, profession diabolisée dans le cinéma américain, c'est donc bien vu.
Le film repose à la fois sur son sujet brillamment écrit, mais aussi sur son interprétation, avec en tête un Pacino grandiose encore une fois, qui a tendance à surjouer un peu, mais le rôle l'exige, et encore je trouve qu'il aurait pu en rajouter, car il est dix fois plus pervers en diable que Nicholson dans les Sorcières d'Eastwick, ou même De Niro dans Angel Heart ; et l'un des grands plaisirs du film provient de l'évidente jouissance du grand Al à incarner l'essence même du mal, il est tour à tour séduisant, diablement truculent, décadent, effrayant, excessif... bref il s'est totalement investi dans le rôle.
Dans son ombre, Keanu Reeves joue avec retenue l'innocent arriviste qui a le choix de céder aux forces infernales, il manque un peu de régularité, mais s'en sort bien quand même, et le reste du casting est de grande qualité : Craig T. Nelson comme souvent ambigu, Jeffrey Jones parfait, ou Connie Nielsen qui trouvait là son premier rôle américain en tentatrice sexy, s'offrant même sans retenue un full frontal audacieux dans un film commercial, et surtout la toute jeune Charlize Theron héritant d'un rôle difficile et parvenant à lui donner une réelle dimension. Un film efficace et subtilement déstabilisant, en dépit d'un final qui tourne à la farce.