Je n’ai jamais compris le titre français, du film et du livre sur lequel il est basé. Pourquoi "L’associé du diable", alors que la traduction littérale de la VO serait "L’avocat du diable" ? C’est une expression existant en français, et ça se réfère au personnage principal, Kevin Lomax, qui est littéralement avocat. Un jeune homme qui commence à se faire connaître, en ayant enchaîné plus d’une soixantaine de victoires. D’ailleurs la victoire, c’est tout ce qui lui importe, et non savoir si l’accusé est coupable ou pas. Un problème relatif à n’importe quel avocat, mais c’est rare qu’un film en fasse un de ses sujets principaux.
On découvre Lomax alors qu’il se retrouve dans une situation délicate : il se rend compte que l’homme qu’il représente est coupable d’attouchements sur une mineure, quand il est déjà au tribunal à défendre son cas. Pour le spectateur, c’est un dilemme qui se présente, alors qu’en réalité, le personnage principal décide assez rapidement de prendre parti, contre la victime.


Lomax se voit embauché par une firme de New York, où il déménage en compagnie de son épouse, avec à la clé un salaire mirobolant et un appartement immense. Le rêve pour ces personnages qui sont les yuppies classiques du cinéma : jeunes, ambitieux, et très matérialistes.
John Milton, le supérieur de Lomax, le place sur des cas compliqués, et le jeune homme passe moins de temps auprès de sa femme. Les scénaristes veulent nous amener à la voir délaissée, mal à l’aise dans ce nouvel environnement, et peu à peu jouer sur la confusion entre ce mal-être et les visions qu’elle a. Mais ça arrive trop tôt, et comme un cheveu sur la soupe : la pauvre Mary Ann Lomax voit des démons, comme ça, tout d’un coup.
Le film aurait pu jouer sur la frontière entre la réalité et les visions qui devient floue, mais c’est très mal traité. Alors que sa femme est sur les nerfs, Kevin met fin à la dispute en proposant soudain de faire un bébé (un peu comme dans Rosemary’s baby). Et ils s’exécutent, comme si tous les problèmes abordés une minute plus tôt étaient réglés. Putain, que c’est bidon.
Au passage, j’aime bien Charlize Theron (surtout depuis, bah… Fury road), et elle a l’occasion de montrer dans L’associé du diable quelle bonne actrice elle peut être, mais ça m’a un peu fait mal de la voir dans un rôle aussi misogyne, à la limite de l’objet sexuel. On la découvre pour la première fois quand elle se penche en avant pour nous donner une vue sur son décolleté, et même plus tard quand elle en est réduite à une boule de nerfs, il faut qu’elle soit en lingerie à dentelle…


Je pense que je vais pas spoiler, en dévoilant le twist du film : le patron de Kevin Lomax est en fait Satan. De toute façon, c’est spoilé par la bande-annonce, l’affiche, le slogan… en fait, tout le marketing du film ! Et même sans ça, on s’en doute au moins 1h30 avant que ça nous soit dévoilé (parce que L’associé du diable dure quand même presque 2h30), au vu de la présence de la religion, et divers indices peu subtils. Le fait que le personnage d’Al Pacino s’appelle John Milton, déjà, et tous ces bruitages sinistres disposés un peu sans justification tout au long du film.
Il y a des moments où la mise en scène est pas mal, mais souvent c’est au service d’idées lourdes.


Ce que je trouve intéressant dans ce film, c’est de voir un peu comment Lomax s’en sort avec ses affaires, comment il contourne le système ou découvre la vérité sur un accusé, même si on ne va pas tellement en profondeur. Pareil pour ces questions morales que pourrait se poser le personnage principal, et auxquelles il pense à peine.
Du coup, je pense qu’il aurait été plus intéressant de traiter tout ça de façon plus terre à terre, dans un film où le rapprochement entre le boss de la firme et le diable n’aurait été que métaphorique. Certes ça aurait été un tout autre film, mais le fait que Milton soit réellement Satan soulève des problèmes de cohérence. Pourquoi le diable se ferait chier à agir parmi les humains ? Je ne comprends pas ses motivations, ni sa façon de faire. Si ça avait seulement été un humain ayant vendu son âme, ça aurait expliqué un désir de pouvoir, de richesse. Mais le diable, il en tire quoi, à financer en secret des trafics d’arme et de drogue ? C’est comme si Dieu se mettait à bosser aux restos du cœur.
Et la dernière partie du film, où on "dévoile" que Milton est le diable, devient limite nanar. Il y a soudain une profusion de CGI grotesques et inutiles, Pacino se lâche et cabotine à fond, et Satan nous explique qu’il veut fonder une famille et que son fils reprenne son entreprise. Quoi, parce que le diable devient trop vieux ?
Et le message que le grand méchant veut adresser est très brouillon. Son premier gros monologue, censé être chargé en puissance, est une logorrhée imbitable ; c’est pas en prononçant du bullshit sur un ton insistant, en martelant les mots, que ça lui donne du sens.
Le discours à la fin en faveur de l’abandon à ses instincts en revanche est génial, pertinent ; ça donne envie de se joindre à lui.


Il y a de bons éléments dans L’associé du diable. Mais globalement, c’est mauvais.

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le 17 nov. 2015

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Wykydtron IV

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