Objection : ça mérite 9/10
J'avoue avoir quelques difficultés à comprendre pourquoi ce film n'est pas autant reconnu qu'il devrait être. Mais bon, j'imagine que c'est pour cela que l'on dit que les goûts sont dans la nature. Bref, 8 ans avant de se fritter au diable en personne dans Constantine, Keanu Reeves avait déjà ainsi croisé son chemin dans une oeuvre un peu plus soucieuse de son histoire (je ne renie en rien Constantine, c'est différent mais je pense que L'associé du diable est plus éloquent). Rare sont quand même les films qui réussissent à ancrer la fameuse tragédie de Faust dans un contexte très moderne, le film date de 1997 et pourtant ses thématiques paraissent toujours aussi fraîches. J'ai beaucoup entendu que le film était trop long (2h10) mais pour moi il utilise à merveille cette durée, chaque scène participe selon moi à la rigoureuse élaboration du film pour nous amener vers un final important où chaque élément s'imbrique.
L'associé du diable joue même la carte du mystère, mais plus dans l'optique de faire mariner le spectateur pour que son attente soit palpable et qu'elle soit récompensé lors de ce fameux final auquel j'y reviendrais. Taylor Hackford assure plutôt bien le déroulement de son scénario, j'entend par là que si vous mettez quelqu'un devant le film sans qu'il sache le titre et même où l'histoire le conduira, eh bien je pense qu'il baignera toujours dans le brouillard après encore 1h30 de film. Le fond ainsi est irréprochable, la forme un peu moins car je reconnais un petit manque de style dans la mise en scène, le film comporte quelques visuels un peu louche, alors que je pense qu'il aurait gagné à mettre en valeur les effets simples comme la vision de New York vide ou encore les visages qui se transforment en monstres repoussants. L'associé du diable impose aussi un trio d'acteurs d'enfer, à tel point qu'aucun second rôle ne peut tirer sa petite épingle (à part peut-être Connie Nielsen), mais bon je pense que l'intention était bien de nous en faire bouffer de ce trio - Keanu Reeves très très bon dans la vanité de son personnage, Charlize Theron complètement habité dans la folie du sien et Al Pacino à nous faire frissonner de plaisir et de terreur en Satan, qui n'hésite pas à se lâcher dans le final.
Car parlons-en enfin, passé l'engrenage infernal de Lomax, avec comme point de non-retour la scène méga-retournante à l'hôpital avec sa femme, L'associé du diable nous propose ce que je considère comme l'un des plus beaux moments de cinéma. Les masques tombent, Pacino joue Satan avec un sens de la gestuelle et de l’élocution incroyable, chacune de ses paroles prend un caractère à la fois philosophique et poétique (mon préféré étant lorsqu'il parle de Dieu). On reproche à Reeves d'être effacé dans cette séquence, mais je crois bien que c'est voulu. Ce sont 10 minutes puissantes, ténébreuses et magistrales, avec ce sentiment d'être dans une pièce de théâtre où le spectateur croit qu'il n'y aucun échappatoire. J'ai du mal à voir la fin du film comme une fin en soi justement, le message est clair et en rapport avec ce qu'on a entendu plusieurs fois avant : la vie est un test. Et Satan ne peut pas perdre. Il est vrai qu'il manque quelque chose pour que L'associé du diable soit considéré comme un chef-d'oeuvre, il n'empêche qu'il m'aura laissé un souvenir marquant et c'est typiquement le genre de film sur lequel j'aime m'étaler tellement les portées sont grandes. Mais un film formidable quand même.
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