Légion sont les films mettant en scène cette entité fascinante qu'est le Diable. Mais si la plupart des projets avaient fâcheusement tendance à verser dans la série Z à deux ronds, forcé de constater que L'Associé du Diable de Taylor Hackford demeure une des grandes réussites du genre.



On aiguise tellement les appétits humains qu'ils pourraient fissionner n'importe quel atome de leur désir acéré. On bâtit des égos de la taille des cathédrales, et la fibre optique relie l'ensemble du monde à chaque pulsion du plus petit égo. On rend bandant les rêves les plus tartes, à force de billets verts, de toc, de plaqué, de paillettes, jusqu'à ce que le dernier des humains se prenne pour un empereur et devienne son propre dieu…



Techniquement le film est maîtrisé de bout en bout. Le réalisateur fait feu de tout bois, empruntant aux genres de l'horreur de l'épouvante ou encore du fantastique, usant de courtes focales, de zooms, de plans accélérés ou encore d'une musique inquiétante. De plus, un soin tout particulier est apporté au son et aux transitions afin de proposer une expérience fascinante, angoissante et par dessus tout déstabilisante au spectateur. John Milton alias le Diable, Satan, Lucifer… Papa… aussi, est ici interprété par un Al Pacino au sommet de son art. Sa manière de bouger et de parler rappelle les représentations bibliques du Diable, tournant autour des personnages, leur susurrant ses conseils mielleux au creux de l'oreille (ex: discussion sur la coiffure de Mary-Ann). Pour autant, et comme il l'affirme lui-même, il n'influe pas sur le cours des choses, se contentant seulement de conseiller, de tenter (en utilisant les termes les plus adéquats), laissant de ce fait le libre-arbitre faire son travail. Le véritable coupable n'est donc pas le Diable, mais bien l'Homme qui, par faiblesse, emprunte le chemin de la facilité, et ce en dépit du bon sens. Mais tôt ou tard il faudra payer pour avoir choisi de suivre ce sentier de la perdition. Eddie Barzoon en a fait la douloureuse expérience. Si le personnage de John Milton est à ce point réussi, c'est également grâce à la capacité de Al Pacino à nous le faire apprécier, à nous le rendre sympathique, à tel point que l'on serait presque tenté de traîner avec lui. En somme, il parvient à rendre réel le côté séduisant voir séducteur du Diable.



Dieu aime regarder. C'est un farceur. Réfléchis : il accorde à l'homme les instincts, il vous fait ce cadeau extraordinaire et ensuite, qu'est-ce qu'il s'empresse de faire ? Et ça j'peux te l'jurer, pour son propre divertissement, sa propre distraction cosmique, personnelle, il établit des règles en oppositions. C'est d'un mauvais goût épouvantable… Regarde, mais surtout ne touche pas. Touche, mais surtout ne goûte pas ! Goûte, n'avale surtout pas ! Ha ha ha ! Et pendant que vous êtes tous là à sautiller d'un pied sur l'autre, lui qu'est-ce qu'il fait ? Il se fend la pêche à s'en cogner son vieux cul de cinglé au plafond. C'est un refoulé ! C'est un sadique ! C'est un proprio qu'habite même pas l'immeuble ! Vénérer un truc pareil ? Jamais !



Le film fait sa critique du monde actuel et de son fonctionnement, un monde symbolisé par l'immeuble de John Milton dans lequel il réunit les avocats les plus ambitieux. John Milton (le Diable) habite tout naturellement le sommet de la tour, les meilleurs avocats, les plus ambitieux, nourrissant le moins d'états d'âme logent tout près de leur patron. C'est notre monde que dépeint John Milton, un monde où l'ambition prime sur tout le reste, où la faim justifie les moyens, où le narcissisme devient quasi systématiquement. L'Homme d'aujourd'hui ne s'intéresse plus qu'à lui-même. Autant de travers qui aveugleront Kevin Lomax et l'empêcheront de sauver sa femme.
Le film dresse une image peu glorieuse de l'Homme, lui prédisant un sombre avenir, un avenir désormais d'actualité.
Kevin Lomax est interprété par Keanu Reeves qui, souvent blâmer pour son jeu trop monocorde, nous gratifie ici d'une excellente prestation dans un rôle qui de toute évidence lui sied à merveille, oscillant sans cesse entre Dieu et Diable.
Enfin, comment parler de L'Associé du Diable sans évoquer ses dialogues ? Si certains les trouveront peut-être trop ancrés à leur goût dans la vision catholique de la chose, je les trouve pour ma part d'une profondeur et d'un impact saisissant, en particulier, et c'est tout naturel étant donné la véritable identité de son personnage, ceux d'Al Pacino.
Bien évidemment ce film n'est pas exempt de défauts. L'on pourrait bien sûr parler des effets spéciaux un peu datés ou encore d'un dénouement frisant le grand-guignolesque (fin de la scène dans le bureau de John Milton). L'ultime scène du film en revanche est tout à fait la bienvenue. Une fin plutôt positive au premier abord qui ne manque cependant pas de nuancer son propos, nous faisant comprendre que le Diable n'est jamais bien loin et que l'Homme est décidément incorrigible.



Qui oserait dire le contraire Kevin, quand j'affirme que le XXe siècle a entièrement été mien ? Tout le siècle Kevin ! Tout le siècle. Mien. Je suis en pleine ascension. Mon temps est venu.



Ainsi, L'Associé du Diable de Taylor Hackford est un film unique, une pépite, un film inoubliable et envoutant à la mise en scène inventive, piochant dans différents genres dans le seul et unique but de déstabiliser.
L'Associé du Diable c'est une véritable expérience de cinéma portée au firmament par deux immenses acteurs.


Et vous ? "Vendriez-vous votre âme au Diable pour réussir dans la vie ?"

Antonin-L
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le 8 sept. 2021

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Antonin-L

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