Un brillant ingénieur de chez Arianespace, candidat astronaute recalé, se met en tête de construire secrètement une fusée qui le propulsera sur orbite.
L’on se prend à imaginer ce que les Américains auraient pu faire d’un tel film, l’on se dit que cela aurait pu donner lieu à un blockbuster entre Ron Howard, Coppola et Terence Malick. On continue ainsi quelque temps sur cette lancée et puis on s’arrête net. Parce qu’en fait non, c’est un film français, qui se passe en France avec des personnages, une problématique et une psychologie bien de chez nous, dans ses défauts comme ses spécificités.
Jim Desforges (Nicolas Giraud) n’est pas Tucker : ce serait plutôt Cugnot qui se constituerait son fardier bout par bout, avec la patience du facteur Cheval. À l’image de son protagoniste L’Astronaute est un film têtu, obstiné, opiniâtre, avec un sens de la communication proche d’un autiste mais qui croit en son rêve et sait où il va. S’il réussit à agréger des gens aussi différents autour de son projet, c’est précisément en raison de sa démesure dont il parvient à convaincre de la possibilité d’en venir à bout.
Ce qui donne lieu à un aréopage disparate, sympathique et somme toute cohérent : une étudiante mathématicienne de haut vol, elle aussi recalée par un prof trop à cheval sur les décimales, donne la touche de jeunesse enrichie par sa singularité nipponne (Ayumi Roux, charmante et juste), un astronaute star retiré des bagnoles qui va lui faire suivre un entraînement à la Rocky Balboa mâtiné d’Houdini - l’on se permettra quand même de se demander où est passée la séquence d’encaissement des « G » tant promise ?.. (Mathieu Kassovitz moins pète-sec que dans son uniforme d’amiral du Chant du loup, chausse les baskets du passeur de flambeau), un chimiste, certainement descendant de bouilleur de cru, doublé du pote bricolo adroit, campé par Bruno Lochet, auquel on adjoint Hippolyte Girardot en Directeur dépassé par des événements dont il cherche à rattraper l'allure, et mention spéciale à Anne Charrier nécessaire dans son rôle d’emmerdeuse dont c’est malheureusement le boulot et qui va gripper une machine jusqu’alors trop bien huilée au WB40.
Car oui, l’Astronaute est un film d’ingénieur, plus que de poète - ce qui n’empêche pas des moments de pure grâce - qui garde bien la tête dans le guidon sans pourtant oublier qu’il fait du cinéma. Le film allie ainsi une très belle lumière dans des décors naturels choisis, des cadres corrects à un jeu d’acteur sans reproche. J’opposerai cependant un sévère bémol en ce qui concerne l’ordinaire des dialogues qui auraient mérité bien mieux. Pas tant pour se gargariser de formules historiques liées à l’événement que pour apporter l’épaisseur qui manque parfois aux différentes relations humaines qui ponctuent le récit aussi bien dans l’intervention musclée de la DGSI dirigée par Jérémie Renier que les rapports conflictuels que l’astronaute entretient avec son père Jean-Henri Compère. Père rejoint par Helène Vincent, la grand-mère aimante et Carole Trévoux, la mère compréhensive qui composent la famille de Jim, avec cette tendance persistante du cinéma français à ne pas bien définir les milieux, enfermant tout le monde dans un univers semi petit-bourgeois de province dont ils se dépatouillent. Ne manque que le grand-père à qui son petit-fils saura rendre un hommage aussi inattendu que profondément attachant à l’amour qu’il lui aura légué pour la conquête spatiale.
Ajoutons enfin que si le film manque quelque peu de fantaisie et préfère tutoyer les étoiles que les anges, il y a un truc très singulier chez le héros dans son rapport païen (d’aucuns diraient chamanique) aux arbres. C'est récurent et n'est jamais expliqué. C'est là. C'est tout.
Petit film formidable en dépit d’un manque de moyens dont il se tire quand même d'affaire, il est sauvé par son ambition et sa sincérité et tient son sujet jusqu’à un terme dont on ne déflorera pas l’issue. On en ressort surpris d’avoir été entraîné dans une aventure dont on n’avait pas mesuré toute la portée. Surpris et heureux.
PS.
À noter toutefois un film antérieur, dont le sujet paraît très proche. The astronaute farmer