Une fois n'est pas coutume, je me sens un peu dans l'obligation d'aller à contre-courant de la grande majorité de critiques positives de ce film, tout en vous assurant que ce n'est pas uniquement pour la forme ou le plaisir.
Pour commencer, il se trouve que je n'ai pas exactement l'impression d'avoir vu un film. Oui ça peut paraître étrange dit comme ça, mais dés le départ on a la bizarre sensation de pénétrer, un peu par effraction et de manière presque impudique, dans la vie quotidienne de gens ordinaires que l'on ne connaît nullement. Le fait que l' Attachement démarre d'une façon trés abrupte et brutale renforce cette impression. On nous balance tout de suite à la figure des scènes de vie trés personnelles et assez violentes sans être passé, au préalable, par la moindre présentation des personnages, ébauche d'histoire ou même la pose d'un simple contexte.
Alors vous me direz d'autres cinéastes, et pas des moindres- Altman ou Cassavettes notamment- ont usé du même procédé en leur temps. Certes, mais leur ambition, il me semble, était quand même tout autre. Dans l'Attachement ne transparaît pas la même hauteur de vue, ni la même dimension philosophique et existentielle. Comme son titre le laisse entendre, le propos du film de Carine Tardieu tourne essentiellement autour de la question de l'attachement et de la complexité des liens que l'on entretien avec son entourage, notamment avec ses enfants et ceux des autres. Thématique qui est tout à fait louable par ailleurs, mais simplement incarner celle-ci dans des situations projetées à l'écran, n'a jamais fait un film.
En effet, L'Attachement est comme constitué de sortes de tranches de vie, prises sur le vif et plutôt bien filmées, écrites et jouées à vrai dire. De ces tranches de vie on se dit volontiers qu'elles auraient toute leur place dans un film. Le souci c'est qu'elles ne sont pas simplement dans le film, mais constituent le film tout entier, sans qu'aucune intrigue particulière -si ce n'est les simples aléas de la vie- ne se noue autour. Et ça c'est un peu problématique. Au fur et à mesure que les minutes progressent, on est comme gagnés par la curieuse impression que le film ne s'adresse pas à ses spectateurs mais uniquement à ses propres personnages et à ceux qui les ont conçus, à commencer par la réalisatrice et la scénariste elles-mêmes.
Il y a maintenant 6 ans sortait un magnifique film, intitulé Amanda, qui retraçait également le deuil vécu par une enfant dont la mère était morte de façon soudaine. En amenant les choses de façon beaucoup plus progressive et narrative, en nous racontant une véritable histoire, Michael Hers finissait par nous toucher au coeur. Tout y était lumineux et émouvant. Alors qu'ici c'est plutôt une impression hermétique qui domine, un peu comme une sorte de thérapie collective d'inconnus qu'on aurait simplement mis en images et par rapport à laquelle on reste en position de voyeurs, sans être véritablement concernés. Et contre ça tout le talent des comédiens ne peut rien.
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