Un film auquel on s’attache tout de suite, c’est irrépressible comme l’est cette formule facile. Tellement juste que je n’en vois aucune autre pour décrire l’attachement dont il est question, cristallin.
Un film sans creux ni bosse, sincère et touchant. Qui va très vite : Lucile a 1 jour, 1 semaine, 2 mois, 12 mois, 22 mois. Lucile donne le tempo avec sa tétine, ses jouets et ses livres. Une vitesse étrange : qui prend le temps de détailler les choses de la vie d’Alex, cet homme déjà beau-père, qui devient veuf en même temps que père. Son beau-fils, Elliott, un petit bonhomme de cinq ans, devient quant à lui orphelin de mère en même temps que frère. Les deux partagent bientôt leur tendre complicité avec la voisine, Sandra, libraire féministe et indépendante, célibataire sans enfant qui leur offre un soutien d'abord à rebours, puis à tâtons et indéfectible. Au milieu, se greffe la pédiatre, Emilia ; le père d’Elliott, David et les mères.
Les émotions ne débordent jamais, pas davantage les situations ne dérapent, ni trop personnelles ni superficielles. Le scénario et la construction des personnages sont très aboutis ; les répliques fusent sans mot superflu, sans adjectif blessant, sans attitude trop économe. Les limites sont respectées et les enchaînements équilibrés. Tout n’est qu’harmonie dans ce film, aucune virgule ne manque, jamais trop de points, rien qui suscite une larme exagérée ou un rire de façade.
S’il fallait donner une définition d’une histoire universelle, ce serait celle de « L’attachement » de Carine Tardieu.
L’espace de deux ans : les protagonistes s’attachent. Elliot le premier, à Sandra. Ça arrive simplement. Comme ça. L’instant d’avant ils se connaissant à peine, celui d’après ils se serrent l’un contre l’autre. Puis Sandra à Elliott. Elle nous embarque dans cet attachement qui prend de court. Et Alex à Sandra, attendri face à celui que se portent Elliott et Sandra. Enfin Alex à Emilia. Emilia à Elliott. David à Sandra. Alex à David et réciproquement. Lucille cristallise cet attachement qui se tisse grâce à elle et jusqu’à elle.
Les mères se rapprochent des filles, les générations se comprennent autour de la douleur des femmes ; les mâles blancs hétérosexuels et les féministes font la paix, les pères et les fils s’adoptent mutuellement.
Quant au casting, il est aussi surprenant qu'admirable. Valéria Bruni Tesdeschi (le poing levé) est émouvante lorsqu'elle se laisse aller à tant de simplicité émotionnelle et à cette discrétion touchante. Pio Marmaï (en mâle déconstruit) dans ce rôle fragile m'a émue autant que dans "Le premier jour du reste de ta vie". César Botti, le p'tit bonhomme si sensible, est épatant: mature et enfantin, vif et drôle, qu'on a envie d'embrasser et de serrer très fort contre son coeur. Il est d'une pureté... attachante. Vimala Pons incarne un personnage très fort, d'un altruisme et d'une délicatesse admirables, tout en finesse. Raphaël Quenard atteint un dépouillement qui lui va bien, qu'il allie avec une certaine grâce au sens de la répartie qu'on lui connaît. Les mères, très différentes, révèlent toutes les facettes... des mères: culpabilisantes, spécialistes du chantage affectif, empathiques, pudiques et présentes, quoiqu'il arrive.
Plus que de l’attachement, le film nourrit un amour et une générosité qui se diffusent jusqu’à nous sans voyeurisme ; une fraternité et une sororité non feintes, une égalité et une liberté qui parviennent à se conquérir dans l’écoute et l’attention de soi et de l'autre. Un film d’une humanité lumineuse, sans boursoufflure ni angélisme qui rappelle à quel point la vie est belle, empreinte de droiture, comme souvent dans les romans d’Alice Ferney, en particulier « L’intimité » dont ce film est adapté.