Alors que le monde retient son souffle en se demandant qui, des USA, de l'URSS ou de Cuba, plongera les nations dans la troisième guerre mondiale, ce petit gredin de John Milius ne trouve rien de mieux à faire que de balancer sur les écrans ricains une sorte de "First blood" à la sauce teen-movie, voyant des ados élevés au Coca Cola et aux Miel Pops résister face à l'envahisseur communiste, venu se pointer sans crier gare un beau matin dans une paisible bourgade.
Se traînant à la fois une réputation culte dans son pays d'origine (normal, on aime pas trop les cocos là-bas) et quasiment inexistante chez nous (normal, on aime pas les cocos chez nous mais fallait pas le dire à Robert Hue), "L'aube rouge" est à voir aujourd'hui comme une relique du passé, comme le délire d'un cinéaste se définissant lui-même comme un fasciste zen, un hurluberlu talentueux trouvant forcément sa place dans l'Amérique reaganienne mais qui disparaitra de la circulation à l'arrivée des démocrates, peu enclins à donner corps à ses visions lyriques et belliqueuses.
Soyons francs, le film a sacrément vieilli et son jeune casting de futures stars (Patrick Swayze, Charlie Sheen, Lea Thompson...) ne brille pas particulièrement, sauf peut-être Swayze dans les derniers moments, où l'on sent déjà le potentiel du futur Body. Et il faut bien reconnaître que si la fascination de Milius pour les armes et l'art de la guerre fonctionne du tonnerre sur un chef d'oeuvre purement fantaisiste comme "Conan le barbare", il dérange déjà beaucoup plus dans un contexte plus réaliste et contemporain, occasionnant quelques fous rires malencontreux à la vision de ses jouvenceaux transformés en Rambo des bacs à sable.
Cela dit, si l'ensemble accuse de sérieux défauts, notamment un script loin de ce que pouvait pondre Milius à une certaine époque (on parle du scénariste de "Apocalypse now" et de "Jeremiah Johnson" quand même !), "L'aube rouge" fait le boulot niveau action et s'avère franchement fun et presque jouissif au second degré, une fois assumé son postulat délirant. Mieux, Milius fait preuve d'un respect étonnant envers l'ennemi, évitant le plus possible de le ridiculiser et tentant une fois ou deux de mettre de l'eau dans son vin, montrant d'ailleurs les effets d'un tel conflit sur ses jeunes protagonistes, certains s'interrogeant sur la légitimité de leurs actions quand d'autres y laissent carrément leur humanité.
Délire purement 80's à prendre avec des pincettes, "L'aube rouge" n'est finalement pas le film putassier qu'il parait être, demeurant plus maladroit que raciste, mais reste loin de la réussite des films précédents de John Milius malgré le plaisir évident que l'on peut prendre à voir des teens ricains dézinguer du coco.