Bannière étoilée et grosses pétoires
En 1984, le Reaganisme battait son plein aux USA. Le bloc Est était l'incarnation du mal et il était devenu une priorité nationale de surpasser l'ennemi militairement (le fameux projet " Star Wars ") et politiquement. Hollywood emboîta logiquement le pas se mettant à nous asséner des chefs d'œuvres, aussi inoubliable que Rambo 2, où l'ennemi avait forcément un nom finissant en " ski " et où il se faisait toujours dérouiller à la fin du métrage. Le véritable mètre étalon de ce quasi sous genre, c'est cette fameuse Aube Rouge du progressiste John "Conan Le Barbare" Milius. L'homme est connu pour ses opinions politiques discutables (il défend les milices aux USA) et sa fascination pour tout ce qui s'approche de la guerre, il n'est donc pas très surprenant de le trouver aux commandes de cet étrange objet filmique.
Les choses vont mal pour les USA, suite à divers événements politiques ils se retrouvent isolés, sans alliés face à la menace rouge. Matt Eckert et ses amis, inconscients de toutes ces choses, se rendent au lycée comme d'habitude. Quelle n'est pas leur surprise quand ils voient tomber à l'extérieur des parachutistes soviétiques ! Ceux ci se mettent à tuer tout le monde sans la moindre hésitation et Matt et quelques amis ne parviennent à s'enfuir que grâce à l'intervention de son frère. L'invasion a commencé. Face à la sauvagerie ennemie le groupe décide de se réfugier dans les montagnes. Quand ils se décident à revenir en ville la réalité est insoutenable : Les soviétiques et leurs alliés cubains l'ont complètement asservie. Une seule solution s'ouvre à eux : Lutter contre l'envahisseur.
Les uchronies sont un genre très peu représenté au cinéma. Rappelons en d'abord le principe : L'uchronie c'est le " et si ? " poussé jusqu'au bout. Et si Napoléon avait gagné Waterloo ? Et si Hitler avait pu battre l'Union Soviétique ? Et si l'Angleterre était demeurée la première puissance coloniale ? A partir de ce postulat pseudo-historique, on peut mettre en lumière une marche de l'histoire différente et ainsi dénoncer certaines idées, croyances ou comportements de l'époque. L'uchronie dans L'Aube Rouge c'est : Et si les troupes soviétiques envahissaient les USA ?
On pourrait disserter pendant des heures sur le réalisme d'un tel point de départ mais ça n'aurait pas grand intérêt ici. Le principe de l'uchronie c'est de l'accepter. L'idée qu'a Milius, replacé dans le contexte de la guerre froide, est assez évidente. Il s'agit d'exalter, d'affirmer les valeurs fondant les USA et dénoncer le communisme. Malheureusement la démonstration que cherche à faire Milius manque énormément de finesse...
En ce qui concerne les Soviétiques c'est assez simple, ils sont purement et simplement assimilés aux nazis. Les deux utilisent exactement les mêmes méthodes. Ils brûlent les livres, exécutent des otages en représailles, cherchent à violer les jeunes filles américaines, etc. Certes que des troupes d'invasion (quelles qu'elles soient) commettent des exactions est parfaitement crédible mais ici le trait est tellement grossi qu'il perd toute valeur. Les Soviétiques ne sont montrés que comme des monstres assoiffés de sang. Le manque de développement des personnages principaux du bloc Est est donc logique mais regrettable, d'autant plus que quand la parole leur est laissé ils sont ceux qui disent les choses parmi les plus intelligentes de tout le film. Un petit peu plus de nuance aurait été la bienvenue mais étant donné le but du réalisateur et le contexte du film son absence n'est pas très surprenante. Je recommande d'ailleurs aux plus courageux d'entres vous d'aller consulter les avis des internautes sur la fiche IMDB du film et vous constaterez à quel point cette vision unidimensionnelle (USA = gentils, Russe/Soviétique = Monstres) semble encore ancré dans une bonne partie de la population US.
L'exaltation des valeurs US est aussi grossière que la dénonciation de l'idéologie adverse. Pour Milius cela semble se résumer à des rituels de chasse ( ! ), la libre circulation des armes (utile pour repousser l'envahisseur) et en un droit sacré à défendre son territoire ( extension du droit de propriété, les populations indiennes apprécieront...). Un véritable catalogue des valeurs des milices. Le dernier point semble d'ailleurs être une justification ultime comme l'atteste une scène ou nos jeunes résistants tuent un prisonnier adverse en clamant bien haut leur différence par rapport à cet " étranger ". Bref, tout cela est idéologiquement très orienté.
En réalité, la seule façon de pouvoir regarder L'Aube Rouge, c'est de faire abstraction de son fond et de le voir comme une sorte de grand jeu de guerre, une façon pour Milius de livrer son film sur le seconde conflit mondiale, déguisé, digéré, à la sauce US. Les similitudes allant dans ce sens abondent : L'assimilation Soviétique = Nazis, le pays coupé en 2 zones, les messages codés passant à la radio... Autrement dit les USA sont la France (mais une France qui résiste entièrement) et la Russie et ses alliés l'Allemagne Nazie.
Pris comme cela L'Aube Rouge passe beaucoup mieux et on peut lui reconnaître certaines qualités. Déjà les adversaires parlent leurs propres langages, un petit détail qui ajoute en crédibilité. Les uniformes et équipements Russes sont très fidèlement reproduits et les scènes d'action efficacement mises en scènes. Le casting est plutôt intéressant réunissant une impressionnante brochette de futurs stars/futur has been et qui au vu du matériau donné s'en sortent assez bien. Par contre on peut encore reprocher un gros manque de crédibilité dans la description des exploits de ces jeunes combattants. Non seulement tous les problèmes de ravitaillement (arme et munitions principalement) sont balayés d'un revers de la main mais nos braves lycéens sont même en mesure, sans entraînement militaire, à anéantir des colonnes entières de Spetznaz (les troupes d'élites Soviétiques). Autant on pourrait accepter que grâce à la connaissance du terrain et une certaine volonté ils parviennent à faire des dommages localisés mais de là à affecter tout l'arrière front quasiment à eux seuls et battre des troupes sur entraînés aussi aisément il y a un monde. Mais bon, à force on l'aura compris, la crédibilité n'est pas le credo de l'Aube Rouge.