Ce film baigne dans une atmosphère étouffante de non-dits familiaux, de bisbilles entre collègues, de malaises qui n'épargnent personne... La professeure de violon Anna Bronsky, au cœur de ce sac de nœuds psychologiques, a tout pour être heureuse. Philippe est un mari aimant et chaleureux, qui l'aide et la comprend. Son fils Jonas cherche sa voie entre le hockey sur glace et le violon. Son métier au conservatoire lui assure une indépendance financière. Contre l'avis de ses collègues, elle impose l'admission d'un élève un peu timide, Alexandre Paraskevas, qu'elle devine très doué. Elle le prend en mains et délaisse sa famille pour le faire progresser et réussir l'examen de fin d'année.
Les Bronsky vivent pleinement leur double culture, parlent allemand ou français bien qu'ils vivent en Allemagne. Le Français Philippe Bronsky, passionné par son métier de luthier, partage volontiers sa pratique avec Jonas. Confronté à une mère peu disponible, l'adolescent accumule frustrations et rancœur. Il suit des cours de violon avec une collègue d'Anna. Les deux femmes ont des relations distantes, à la limite de l'hostilité...
Qui est Anna Bronsky ? Une enseignante exigeante d'une froide efficacité. Seuls les résultats comptent. Nullement intéressée par la personnalité d'Alexandre, elle veut juste en faire une bête à concours. Jouer deux heures est-il insuffisant ? Tu joueras quatre heures par jour ! Elle impose une discipline de fer, multiplie contraintes et maladresses envers son élève.
Anna se veut sûre d'elle-même, hyper compétente, exigeante envers son entourage. Cette obsession de l'efficacité cache des tourments intérieurs graves. Le bonheur d'Anna s'arrêta jeune, à la mort de sa mère, remplacée par une marâtre raide comme une trique. Son éducation fut soumise à un père professeur d'allemand aux méthodes éducatives brutales. Dans leur jardin, il plonge les mains de Jonas dans une fourmilière : "Pour qu'il se rende compte !" Un père d'une vulgarité massive, dont la violence reste vivace malgré son âge.
Anna délaisse aussi son foyer pour un amant musicien. Après l'amour, elle s'exclame : "Je pue !" Elle ne peux pas se sentir, au propre comme au figuré. Cette détestation de soi affleure sans cesse. Anna l'efficace cache une peur de l'échec pathologique. Elle a échoué à mener une carrière de violoniste. Son amant Christian lui propose d'intégrer un quatuor. Va-t-elle accepter ? Et réussir cette fois ? Ses peurs la rongent, l'empêchent de s'épanouir. Sa soif de réussite se fixe sur Alexandre. Elle s'acharne à lui faire réussir l'audition.
Une scène magnifique détonne dans ce film austère. Un soir, Anna passe chez Christian qu'elle surprend en train de farcir un poulet.
- "Tu prépares un poulet pour toi tout seul ?", s'étonne-t-elle. Piètre cuisinière, Anna abuse des "dîners sandwichs" avec Philippe et Jonas ; dans leur cuisine, l'ambiance est morose... Outre son désintérêt pour la cuisine, Anna ne s'aime pas suffisamment pour s'offrir seule un poulet rôti...
Et une émotion véritable surgit quand les amants, plongés dans l'obscurité et dans leurs pensées, contemplent silencieusement le poulet tournant dans la rôtissoire, éclairée comme une scène de spectacle.