Niles est un garçon (10 ans ?) qui réside à la campagne pour l'été. Au tout début, on le voit dans une trouée de lumière d'un sous-bois. Il est comme hypnotisé par une bague à tête de faucon. A la main, il tient un pistolet en bois. Il entend un bruit suspect et se cache dans un gros bidon métallique renversé. Des coups sont portés contre le bidon et il voit son jumeau Holland qui le nargue. Pas très à l'aise, Niles s'échappe. Il vit à cent à l'heure alors que la campagne (magnifiquement filmée) est écrasée de chaleur. Il ne tient pas à table. Sa tante l'attrape plusieurs fois fermement pour le remettre devant son assiette en lui intimant l'ordre de manger.
Le spectateur attentif sent assez rapidement un malaise. En effet, si on voit Niles manger et converser régulièrement avec Holland (avec qui on sent une vraie complicité de jumeaux) on ne voit jamais Holland manger ou s'entretenir avec le reste de l'entourage.
L'explication est donnée tardivement, laissant tout loisir au spectateur de chercher à comprendre la complexité de la situation. Niles joue un jeu étrange avec sa babouchka, sa grand-mère d'origine russe. Tous les deux ont une sorte de don leur permettant d'occuper l'esprit de l'être qu'ils choisissent. Cela peut être un animal, comme on voit Niles le faire avec un corbeau. La caméra subjective présente une très belle scène de vol. A cette occasion, Niles voit son cousin « Piggy » qu'il déteste, se jeter en toute confiance dans du foin amortissant sa chute. Quelques jours plus tard, Piggy saute à nouveau dans le foin...
La mort accidentelle de Piggy s'ajoute à celle du père de Niles et Holland. On comprend que Holland est la part monstrueuse de Niles. Sa babouchka lui a dit que Holland reste présent, puisqu'il occupe encore son esprit. Mais Holland ne fait pas qu'occuper l'esprit de Niles. Niles est devenu schizophrène, au point de passer son temps avec Holland, projection de son esprit. Lui seul le voit, mais il bénéficie d'une sorte de compréhension douloureuse de la part de son entourage, sachant combien son jumeau lui manque.
Quand ça l'arrange, Niles passe pour Holland. Ensuite, il le rend responsable de ses forfaits, insouciant des conséquences...
Autre élément bizarre : la mère de Niles est en triste état, perdue dans ses pensées. Niles ne la voit que très peu. Mais il a le tort de conserver ses trésors dans une boîte qui ferme mal ou qu'il ne cache pas bien. La bague à tête de faucon (emblème familial), il la tient de Holland. Sauf que, devenue symbole de malheur familial, on l'a fait disparaître. Comment Niles en est-il entré en possession ?
Au fur et à mesure, on réalise que par l'intermédiaire de Holland, Niles écarte tous ceux qui le gênent. Jusqu'où peut-il aller ?
C'est donc un film d'atmosphère, qui vire à l'horreur. C'est très bien fait, car l'atmosphère campagnarde du début, apparemment innocente, vire peu à peu au cauchemar, d'une manière assez surprenante. La relation entre les frères jumeaux est d'une force incroyable. On comprend que Niles en soit imprégné au point de sombrer dans la folie. Le spectateur est totalement immergé dans cette atmosphère, car il devine petit à petit quelles sont les relations entre les uns et les autres. Les plus jeunes ne sont pas les plus innocents. Niles est un individu dangereux. Sa babouchka ne s'en rend compte que bien tard. Elle a d'abord tenté de le rassurer en lui expliquant pourquoi elle n'a plus peur de la mort. Très croyante, elle lui fait cette confession dans une petite église où un visage dans un vitrail fait écho au sien. Et puis Niles et Holland sont fascinés par la magie, la prestidigitation. Ici, le vrai prestidigitateur est Robert Mulligan qui nous livre un film très personnel, complexe et marquant, où chaque scène a son importance.