A la fois drôle et tragique, L'autre côté de l’espoir est découpé en saynètes finement élaborées qui doivent autant à la tendresse empreinte de gravité à l’œuvre dans Le Havre qu’au pessimisme désespéré qui prévalait par exemple dans Les lumières du faubourg (2006). L’humour pince-sans-rire de Kaurismäki fait merveille dans les séquences de restaurant, à l’occasion par exemple d’une visite de fonctionnaires traqueurs de denrées avariées et de travailleurs clandestins. Des scènes burlesques à la Tati qui contrastent avec celles, beaucoup plus grinçantes et révoltantes, où l’on voit le malheureux Khaled raconter son parcours tragique à une bureaucrate chaleureuse comme un iceberg, quand il n’est pas l’objet des ratonnades d’une poignée de débiles néo-fascistes. Et entre ces extrêmes, la relation de Khaled avec Mazdak, un autre réfugié qui commande sa bière à la façon peu subtile d’un authentique autochtone, témoigne des contradictions que traversent les migrants, partagés entre envie d’intégration et mal du pays. Comme à son habitude, le réalisateur finnois a battu le rappel de ses vieux potes rockers, ce qui nous vaut aussi d’épatants intermèdes musicaux pour rythmer ce mélodrame social à la fois réaliste et décalé, l’un des plus réussis de son auteur, bientôt sexagénaire mais toujours aussi sincèrement non conformiste.