Cette comédie fantastique de la fin des années 40 est très atypique pour l'époque. Un an après le décès de son mari, une mère de famille pas franchement éplorée décide de changer d'air et part s'installer dans une jolie demeure située en bord de mer. Seul souci : la maison est hantée par un vieux marin qui habitait les lieux jusqu'à sa mort accidentelle ! Misogyne et bourru, cet ancien capitaine prend plaisir à effrayer tous les locataires qui daignent emménager dans sa résidence, et la jeune veuve ne fera pas exception à cette règle... Après une première demi-heure flirtant avec les codes du cinéma d'horreur, les choses rentrent rapidement dans l'ordre, et Joseph L. Mankiewicz s'intéresse dès lors à la relation fusionnelle qui va lier ces deux personnages diamétralement opposés.
Trois ans après le tournage de Laura, Gene Tierney reste toujours aussi séduisante, et ce rôle de femme proche de la schizophrénie lui permet de démontrer que son succès n'est pas simplement dû à sa majestueuse beauté. Les éclairages à la bougie sont remarquables, et le thème musical de Bernard Herrmann qui habille les scènes romantiques est une petite merveille, avec des violons mielleux comme on n'en fait plus depuis des décennies. Cela dit, malgré le charme suranné qui s'en dégage, ce film aurait gagné à être raccourci de quelques minutes : le dernier quart d'heure est interminable, mais fort heureusement, l'ultime scène pleine de poésie donne à "l'aventure de madame Muir" la conclusion féérique qu'elle méritait.