Femme émancipée = mari émasculé?

Nous dédions respectueusement notre histoire aux pionnères américaines qui ont aidé leurs maris à dompter les étendues sauvages du Kentucky. Elles étaient braves et courageuses. Sans leur coopération énergique, peu d'entre nous seraient là aujourd'hui pour voir ce film.

Qu'il est formidable d'aimer

L'Aventure fantastique de Roy Rowland est un western rafraichissant qui se présente comme un divertissement rayonnant au dessein généreux et charitable. Un récit dynamique et étonnant tant il fait la part belle à la gent féminine. Une croustillante et singulière déclaration d'amour à la femme pour qui le cinéaste à travers son oeuvre voue une estime profonde. Fait surprenant, qui fait plaisir à voir pour un western sorti en 1955, il vient briser pas mal de cliché autour des hommes machos de l'époque. En découle dès la séquence d'intro un prologue d'ouverture entièrement consacré aux femmes pionnières d'antan qui ont soutenu les hommes à travers différentes étapes de la construction américaine. Un film pavé de bonnes intentions et certainement en avance sur son temps qui abolit avec le sourire la puissance maritale pour fonder un principe d'égalité qui concède aux femmes le droit de faire usage de leur autorité, ainsi que de leur sexualité sans aucune distinction de sexe ni de professions. Si le geste est entièrement louable, quand est-il de la qualité du long-métrage ?

L'Aventure fantastique est construite sur un scénario finement élaboré livrant une histoire pleine d'esprit possédant une grille de lecture intelligente à travers une comédie légère qui jamais ne part dans une direction de bidonnage parodique disproportionné bourrée de gag facile afin de conserver une ligne directrice plus sobre teinté de nombreux sourires et de réjouissement autour d'une histoire d'amour forcée. L'intrigue se concentre totalement autour du couple hors normes que forment les comédiens Robert Taylor et Eleanor Parker qui semble-t-il ont dû sacrément s'amuser durant le tournage tant la connexion entre les deux est forte. Robert Taylor en tant que Bushrod Gentry est un trappeur nomade usant de nombreuses répliques charmeuses auprès des femmes mais se refusant à la moindre contrainte pouvant empiéter sur sa liberté, en particulier le mariage. Bushrod est un aventurier énergique et détendu à la fois totalement dépassé devant la folie amoureuse de Mary Stuart qui le fait otage de ses émotions démesurées. Le comédien est très amusant et sympathique dans ce rôle qui promet quelques confrontations des plus saisissantes et des situations des plus rocambolesques. Un Indiana Jones avant l'heure qui se bat lui aussi avec un fouet.

Eleanor Parker en tant que Mary Stuart est fantastique! J'ai adoré ce personnage au caractère bien trempé qui est d'une férocité amoureuse sans nulle pareille. Mary Stuart sait ce qu'elle veut! C'est elle qui décide! Elle qui choisit l'homme qui partagera sa vie même si cela va au détriment de l'avis de celui-ci qui de toute façon n'aura pas son mot à dire. Elle qui travaille! Elle qui chasse le gibier! Elle qui affronte des hommes d'égal à égal! Dieu lui-même ne peut la soumettre puisqu'elle n'hésite pas à marier Bushrod de force devant le prêtre qui ne moufte pas. Le patriarcat lui-même ne peut la soumettre puisque c'est finalement Bushrod qui se retrouve prisonnier de la maison familiale de Mary Stuart en devenant un homme au foyer. La belle au tempérament de feu vient littéralement contraster l'image conventionnelle de la femme soumise au détriment de celui de l'homme par une attitude amoureuse des plus extrêmes et frissonnante à l'origine d'une détermination sans limite qui conduira à bon nombre de séquences drôles et improbables dans lesquelles le pauvre Bushrod va déguster. Mary Stuart est une représentation féminine hargneuse qui vient mortellement lapider l'image traditionnelle de la femme au foyer asservi par la volonté d'un système archaïque. Une astucieuse et intelligente parabole subtilement détournée par l'inversion des rôles qui dans la résultante ne se contente pas que de confronter bêtement l'homme et la femme mais bien de trouver une solution durable entre les deux qui sont finalement complémentaire. Robert Taylor et Eleanor Parker se renvoient à merveille la réplique et portent littéralement le film sur leurs épaules malgré l'excellente distribution de soutien comprenant Sig Ruman, Alan Hale Jr, James Arness, Victor McLaglen, ou encore Rhys Williams.

La réalisation est propre malgré le petit budger qui se fait ressentir autour d'une histoire heureusement intimiste limitant ainsi les gros coûts financiers. Néanmoins, L'Aventure fantastique peut compter sur une mise en scène intelligente autour des scènes d'action qui sont étonnamment violentes durant les confrontations contre les indiens Shawnee, venant ingénieusement contre-balancer par un aspect plus noir le décor de cette comédie. Une macédoine d'éléments comiques et dramatiques subtilement conjugués en diverses séquences excitantes comme lors de la confrontation finale qui résume parfaitement l'émotion suscitée par le biais d'un sentiment atmosphérique plein d'optimisme et de drôlerie contre-balancé par la froideur et l'intensité d'une situation grave. Une scène finale très amusante finement escarmouchée à l'origine de la confrontation ultime la plus savoureuse que j'ai pu voir dans un western. Les péripéties ne manquent pas d'esprit ni d'idées comme avec les nombreux combats aux poings qui sont très drôles via une bonne dynamique de rythme qui fait que l'on ne s'ennuie pas un instant. Le concourt de tirs sur des clous dans les arbres à celui qui l'enfoncera jusqu'au bout est très divertissant. Techniquement on regrettera des décors sur plateau un peu trop visible mais rien de bien méchant ainsi que la composition musicale qui sans être mauvaise ne marque pas beaucoup l'esprit.

Doublage vf culte! Le doublage vf de ce film est hilarant à cause des comédiens qui sont (sauf pour Robert Taylor) tous dotés d'un accent du Sud de la France bien appuyé. Cela rend le tout très étrange sachant qu'il est en plus précisé que Bushrod vient de l'Auvergne. Tout ceci n'apparaît pas dans la version originale, sachant qu'aucun personnage ne vient de la France. Bushrod Gentry dans la vf s'appelle Brutus Gentil, je pense qu'on ne peut pas faire pire. C'est fou de constater à quel point un mauvais doublage vf peut vous transformer un long-métrage. Bien entendu je vous recommande haut et fort la version originale pour pouvoir profiter pleinement de l'expérience de L'Aventure fantastique, à moins de vous payer une bonne tranche de rigolade en regardant la version doublée.

CONCLUSION :

L'Aventure fantastique de Roy Rowland est un western amusant et divertissant qui renverse avec intelligence le système patriarcat en échangeant durant une partie du récit le rôle de l'homme et de la femme, promettant ainsi un récit rafraichissant qui n'oublie pas de servir le spectateur en multiples péripéties chargé d'humour fin et d'action radicale. Un curieux mélange qui fonctionne admirablement, mis au service d'un duo de comédiens savoureusement fusionnel. Robert Taylor et Eleanor Parker sont magnifiques en incarnant l'un des plus beaux et hilarant couple du genre.

Un petit western au grand concept.

• Sacré nom! Il y a longtemps que vous êtes là ?


• Depuis assez longtemps.


• Que faites-vous ici ?


• Je vous suis.


• Vous pouvez arrêter et rentrer chez vous.


• Nous rentrerons dès que vous serez prêt, oui.


• C'est un véritable cauchemar! Mais pourquoi vous acharnez-vous sur moi ?


• Vous m'avez embrassée, non ?


• C'était seulement par politesse.


• Je trouve que c'était plus que ça, Bushrod.


• Vous êtes l'une des femmes les plus venimeuses qui soient. Plus dangereuse qu'un serpent à langue fourchue. Je ne vous suivrai pas!


• Oh, mais bien sûr que si.