Un qui m'a bien fait rire - que la chère Simone Signoret m'excuse et que me pardonne Yves Montand - mais les récriminations et autres pleurnicharderies de M Artur London devant ces messieurs de la première chaîne m'ont fort diverti.
Eh quoi ! Parce qu'on a retiré la nationalité tchèque à l'auteur du tardif Aveu, celui-ci en fait toute une tragédie ! Avec une véhémence comique, il s'élève contre les procédés "ignominieux" dont il est l'objet de la part du nouveau gouvernement tchèque.
Lui faire ça à lui, London, ancien ministre, et qui plus est, un militant discipliné ! J'ai vu, comme tout le monde, L'aveu. C'est un très beau film et Montand s'y montre extraordinaire. Il peut se flatter d'avoir inscrit à son palmarès, déjà si riche, une merveilleuse performance d'acteur.
La perfection de son art, la sincérité de son interprétation m'ont bouleversé. Quel comédien ! C'est très beau, c'est très émouvant, un grand comédien ! Mais pas une minute le personnage qu'il incarne ne m'a touché.
M Artur London, militant communiste depuis l'âge de quatorze ans, réfugié à Moscou en 1934, a accepté et, à coup sûr approuvé, pendant des années, les horreurs du stalinisme. Les épurations les plus sanglantes lui ont semblé aller de soi. Comme Garaudy, il a été stalinien "de la tête aux pieds" et il a gardé sa tête et n'a pas eu les pieds gelés. Comme Garaudy, il a applaudi l'exécution de Rajk, ministre des Affaires Étrangères hongrois.
Alors ?
Et alors, aujourd'hui, M Artur London patriote tchèque, veut qu'on lui rende ses papiers. Hélas ! Avant de perdre sa qualité de Tchèque, M London, depuis belle lurette, avait, par sa soumission et sa servilité, perdu sa qualité d'homme.
Le voilà citoyen du monde. De quoi se plaint-il ? Il a même le droit de pleurer - sans carré rouge - devant les amateurs du petit écran.
Henri Jeanson - L'Aurore, 1er septembre 1970