À l’occasion d’une promenade entre amis, riches et oisifs, sur le bateau de l’un d’entre eux, l’héroïne (du moins celle posée ainsi dès le début du film par les conventions cinématographiques et narratives en usage) disparaît au cours d’une brève escale dans une île déserte. Après l’avoir cherchée vainement, ses amis repartent et la vie continue de même que leurs amours… L’Avventura est un chef-d’œuvre absolu et un moment clé dans l’œuvre de son auteur, qui révolutionne le cinéma et même tout le procédé de la narration, le point de vue subjectif habituel se trouvant balayé. Au lieu du procédé habituel, qui consiste à suivre le héros du récit où qu’il se trouve, Antonioni introduit ici à une innovation radicale. Jamais en effet nous se saurons ce qu’est devenue Anna (Léa Massari) et la caméra ne va plus s’attacher à elle, le centre d’intérêt du film se déplaçant vers le duo constitué par son ancien amoureux (Gabriele Ferzetti) et sa meilleure amie (Monica Vitti). Cette façon de faire, brutale, bouleversante pour tous ceux attachés aux conventions narratives, introduit une réflexion vertigineuse sur l’identité, la vacuité de la vie et son caractère éphémère, la fragilité des sentiments humains et la solitude de l’être bien sûr, encore et toujours. La technique d’Antonioni est à la hauteur de la puissance du propos et le renforce encore par une direction d’acteurs parfaite et une mise en scène de visionnaire, à la fois précise et poétique (cadrages virtuoses, recherche permanente de l’esthétique). Après la vision coup de poing de cette œuvre unique (sous le choc de laquelle je suis encore, des années après), on se dit qu’il y a un cinéma avant et un cinéma après L’Avventura.