L’échelle de Jacob a terriblement vieilli, c’est indéniable : le revoir aujourd’hui lui donne cet aura de document vaguement historique, qui nous permet de déceler les tics d’une certaine période, les 80’s finissantes, ainsi que de ses obsessions et d’un contexte désormais révolu. Il en est ainsi de l’imagerie de New York, ville alors en proie à la criminalité la plus répandue, et qui sied particulièrement aux délires anxiogènes du protagoniste.


Filtres bleus, scènes hallucinatoires, jeu outré d’un assez mauvais Tim Robbins nous font irrémédiablement penser à l’autre grand spécialiste du cinéma poussif, j’ai nommé Alan Parker et son diabolique Angel Heart. Reconnaissons que l’aspect poisseux de certaines séquences et l’imaginaire horrifique fonctionne par moments, notamment lors de l’admission à l’hôpital.
Dans le même ordre d’idée, le twist lors de la fièvre et l’immersion dans la baignoire donnant à voir une autre direction possible à la vie du personnage (resté avec sa femme, et considérant la vie qu’on nous présente depuis le départ comme un – mauvais - rêve) surprend et fait dérailler un moment le récit, nous entraînant dans cette instabilité généralisée.


Mais le scénario se compromet. Cette sombre histoire d’expérimentations de drogues sur les soldats prend une importance qui, au vu de la résolution de l’intrigue, n’a finalement que peu d’intérêt, si ce n’est de nous avoir nous-même enfumés pendant près de deux heures.


Car si l’on s’en tient au principe initial, il ne s’agit de rien d’autre que d’un homme qui meurt, et qui doit lâcher prise, schéma assez connu et exploité la même année dans son versant mièvre avec Ghost, puis plus tard dans Sixième sens.


L’imagerie pénible du final, le recours à l’enfant comme guide vers l’au-delà, l’explication didactique d’une symbolique pesante (en gros, les démons se manifestent parce que tu refuses de mourir) balaient une bonne part de ce qui faisait le charme malade du film dans son premier versant.


N’est pas Lynch qui veut : il manque clairement à ce récit une dimension qui dépasserait l’imagerie qu’il véhicule, une part d’inexpliqué qui nous ferait réellement appréhender les méandres d’une conscience sur le point de s’éteindre… On appelle cela l’émotion.

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le 13 janv. 2017

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Sergent_Pepper

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